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Entre les lignes...

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6 décembre 2013

Chapitre 16: Du bruit de la pluie sur le pouvoir solaire.

On atteint Nazca en traversant le désert. Que l´on vienne du Nord, du Sud , de l´Est ou de l´Ouest; l´aridité est une épreuve obligatoire á gros coefficient. A tel point, qu´il peut sembler étonnant d´avoir amené de la vie humaine dans un lieu au climat aussi rude.
L´eau est une préoccupation quotidienne et l´unique stress dont souffrent les Nazqueniens c´est le stress hydrique. Le matin, personne se fatigue á regarder la météo. Il fera beau. Le soleil nous assommera comme il l´a fait la veille et comme il le fera le lendemain. Le levé du soleil se fera sans encombres et marquera la montée du mercure. Le couché du soleil sera d´un ton rosé par dessus la plaine et marquera le répit.

A Nazca, les rivières sont des oueds. Seuls les ponts et le lit sec de la rivière nous rappellent qu´un jour, elle y a couché. Il semble que l´eau ait quitté son refuge depuis longtemps, puisque les voitures passent d´une rive á l´autre sans toujours passer par les ponts.
Ici le soleil est dominant. Il ne laisse aucune chance á la nuance. Même quand le vent Paracas souffle pendant des jours, il n´amene pas de nuages. Le soleil est autoritaire comme un dictateur chilien. Il ne laisse que peu de chance á la vie. L´eau se fait chaque jour plus rare, alors que la démographie de Nazca se massifie. D´ailleurs, Nazca ne s´est pas massifiée uniquement par son solde naturel (différence entre nombre de naissances et de décés), mais aussi par une immigration de nature économique. De nombreux péruviens sont venus d´autres provinces, pour tenter leurs chances avec l´explosion du secteur minier...Au passage, un secteur qui demande une consommation intermédiaire importante...d´eau!

Évidemment, la logique microéconomique rattrape les esprits naïfs, et ce qui est:
1) rare,
2) demandé de manière inélastique (l´élasticité-prix de la demande en eau est presque égale á 0...c´est un cas d´école en économie!),
3) offerts par peu de producteurs,
=>est cher!
L´eau coûte chère au consommateur et rapporte beaucoup au producteur.
Du coup, Coca-Cola met en bouteille l´eau minérale San Luis. Imparable. 

Au Pérou, le soleil n´est pas qu´un concept d´astronome. Dans ce pays, que l´on pourrait géographiquement et culturellement qualifié de "pays du soleil couchant", le soleil a longtemps été un concept mystique lié aux croyances des civilisations pré-hispaniques. Pour les Incas, en particulier, le soleil était tout simplement le Dieu. Être supérieur en tout. On lui a même bâti un temple á son nom (en Bolivie actuelle). Plus haut que les montagnes qui entouraient la ville impériale de Cuzco, il était le seul capable d´apporter la lumière sur Terre. Il faisait partie des trois concepts clefs de la religion des Incas, aux cotés de la Terre, et de l´Esprit.  
La conquête espagnole a rayé cette religion en imposant le christianisme au nom de sa supposée supériorité. Néanmoins, malgré l´inquisition, puis l´adapotion quasi intégrale du christianisme par les péruviens, le soleil est resté un élément culturel supérieur structurant.

Par élément culturel structurant, j´entends un élément qui marque toute la société jusque dans ces institutions politiques et économiques. Par exemple, le mot "sol" ("soleil") revient 3 fois dans l´hymne national péruvien créé peu après l´Indépendance par José de la Torre Ugarte. Autre exemple pour les institutions économiques: la monnaie péruvienne est...le "Nuevo Sol". Quoi de mieux, pour remplir la fonction de confiance dans la monnaie, que de s´en tenir á un concept millénaire fiable?
Il est supérieur au sens où l´importance accordée au soleil a traversé les régimes politiques et les invasions extérieures. De l´impérialisme Inca, á la conquista de Pizzaro, á la Guerre d´Indépendance, aux débuts chaotiques de la République, á la Confédération Péruano-Bolivienne, á la Guerre du Pacifique, aux invasions chiliennes qui en ont découlé, á la dictature militaire, puis enfin á la démocratie et á la globalisation.

 

Dans une domination sans partage, il existe toujours des cris. C´est ainsi qu´en ce mardi soir, le ciel rosé qui recouvre le désert aux alentours de 18heures s´est nappé d´un gris foncé encore plus étranger dans ce décors que je ne le suis. Le vent s´est levé. De derrière les montagnes, venant tout droit des cimes de la Cordillère des Andes, des nuages sont venus comme des conquistadores sur le désert. Sans résistance de ce dernier, les nuages ont pris possession de son ciel.
Une goutte d´eau. La vie. Les enfants qui courent en criant. Des gens qui commencent á s´affoler car les toits des maisons sont souvent construits en terre sèche. Une goutte sur l´avant-bras. Une autre sur le t-shirt, qui marque la certitude de l´humidité. Il pleut.
C´est ainsi que de gros nuages ayant zigzagué entre les cimes andines se sont frayées un passage jusqu´au désert. Sur le sable, les gouttes se sont agrégées et sable jaune est devenu marron. La pluie est venue en aide á la pauvre végétation et adoucit les esprits des peuples du désert. Elle est un contre-pouvoir faible, mais existant. Elle s´est fait entendre plusieurs heures en saupoudrant Nazca et ses environs. Les gouttes sont tombées sur le sol aride pour démontrer que la partition pouvait se jouer autrement qu´en sol majeur.

A l´heure oú je vous écris, les nuages se sont dissipés et le ciel et redevenu bleu, laissant au Soleil, son règne éternel.                                                                                                                                                              

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8 novembre 2013

Chapitre 15: Quelle pauvreté? Quelle culture?

Dans l´ONG où je travaille, on accueille des enfants dans un centre (une Aldea). La plupart de ses enfants viennent de familles avec peu de ressources monétaires. Ils viennent dans la Aldea, ce qui leur permet d avoir accès à une scolarité normale, d´avoir un toit, un état de santé suivit, et une alimentation correcte. 

Pour la scolarité, il faut savoir que certains enfants sont arrivés dans la Aldea avec des retards importants. Certains on eu des trous dans leurs scolarités. Le premier palier à dépasser est celui de la lecture et de l´écriture. Cela parait banal, mais l´alphabétisation n´est pas une chose qui coule de source...un peu à l´image de l´acces en eau á Nazca. Le second palier commence en même temps que le premier. Il s´agit de savoir effectuer des opérations mathématiques de base. N´importe qu´elle boutique demande d´additionner des produits, n´importe quel atelier de mécanique demande de soustraire, n´importe quel carreleur doit savoir multiplier, et n´importe quel serveur de restaurant doit avoir une base connaissance de la division. En toile de fond de ses deux paliers, le développement de l´esprit de l´enfant, sa logique, son sens de la créativité, sa mémoire et toute les autres choses que l´école valorise sans fournir.

Les enfants de la Aldea s´en vont à l´école en uniforme, comme tous les élèves au Pérou. Sur leurs dos est floqué le nom de l´école José Carlos Mariategui. J´ai longtemps laissé ce nom guider nos marches dans le bidonville en allant vers l´école. Puis un jour, en lisant le programme de Science Sociale du 4em grade de Secondaire (niveau Première), je suis tombé sur ce bonhomme. L´école porte le nom du fondateur du Parti Communiste Péruvien (PCP). Parfois, alors que j´attends les enfants à la sortie de l´école, je lis le bouquin de Lenine sur l´imperialisme. Je me sens beaucoup trop à gauche avec mon bouquin de communiste sous le nez, dans une école au nom rouge.
Les enfants finissent à 13heures, puis retournent au centre. A nouveau les uniformes floqués traversent et flottent au gré du vent Paracas.

Le volet santé des enfants est assez compliqué surtout quand on n´est pas toubib! Selon certaines personnes, la petite taille de certains enfants serait due aux épisodes de sous-nutrition qu ils auraient vécu. D´un autre coté, la génétique pourrait expliquer cette caractéristique. En non-spécialiste, j´ose croire aux deux possibilités simultanées, sans savoir l´importance exacte de chacune. A l´inverse le lien entre l´alimentation et la santé m´a enseigné quelque chose que je ne pouvais pas imaginer sans venir ici. Même chez les jeunes qui ont soufferts de sous-nutrition, on peut trouver des cas d´anorexie. Dés lors, se mêlent à la nutrition et à la médecine, la psychologie, la psychanalyse, et malheureusement, le droit des enfants. Autant de thèmes que je maîtrise mal.  

C´est dans la Aldea, à l´heure du déjeuner que commence la discussion. Je mange ce midi au milieu de cinq jeunes filles et de leur tutrice. La plus jeune a 8 ans, la plus âgée en a 10. Le débat commence autour du thème de la pauvreté. "C´est quoi "être pauvre"?". Avec mon bagage d´études en économie, j´aurais pu me lancer dans un exposé explicatif. Plutôt, je décide de laisser le débat couler entre les jeunes. Je voulais savoir quelle pouvait être la définition de la pauvreté pour des jeunes péruviennes, vivant dans un centre pour enfants, au sein d´un bidonville, d´une ville pauvre, d´un pays en développement, d´un continent qui se cherche.

"Nous ne sommes pas des pauvres à la Aldea" lance la plus âgée. "Nous avons á manger.". Sa voisine renchérit et va plus loin "Regarde, ici, on ne termine pas toujours nos assiettes. Hors de la Aldea, il y a plein de gens qui ne mangent pas comme nous". Le débat continuera quelques minutes, mais qu´importe. J´ai la définition. Pour les petites de la Aldea, être pauvre c´est avoir faim et ne pas pourvoir manger. Ne pas être pauvre c´est manger à sa faim et même avoir la possibilité de ne pas finir son assiette.
Cette définition  a certaines qualités que de nombreuses définitions n´ont pas.
Par exemple, si vous demandez à un expert la définition de la pauvreté, il est fort a parier qu´il vous explique le seuil de pauvreté, accompagné de son mode de calcul, 60% du revenu médian par exemple. Mais, si je définis la pauvreté par un seuil de pauvreté, je définit le seuil, pas la pauvreté. En définissant le seuil, je définit autant ce qui se trouve en dessous du seuil, que ce qui se trouve au dessus. Je définit une frontière entre deux pays, sans connaître ces pays.

L´expert vous expliquera comment calculer le taux de pauvreté, en vous aidant de ce seuil de pauvreté. Vous obtenez alors un chiffre sur la proportion de pauvres dans le pays en question...sachant que vous n´avez toujours pas définit la pauvreté! Encore moins ses caratéristiques...

Évidemment, la définition des petite péruviennes est plein de limites. On ne sait pas ce qu´il y a dans l´assiette en question. On a une définition strictement nutritive de la pauvreté. Une définition sans monnaie. Une définition de petites péruviennes de 10 ans...

Les enfants d´ici vivent á coté des lignes de Nazca qu´ils n´ont jamais survolé. Ils vivent dans l´anonyma d´une ville dont le tourisme cache la réalité minière. Ces jeunes dont le Routard ne consacre pas un interligne. Le tourisme est un voile sur Nazca. Ce voile est éclairée par la lampe frontale du mineur. Mais comme souvent, il est plus facile de regarder l´objet lumineux que la source de lumière. 

Les enfants d´ici ne connaissent pas grand chose au tourisme. Pire, ils connaissent mal leur propre Histoire et l´héritage que la civilisation Nazca a laissé dans ce désert. L´enseignement au Pérou est trop axé sur les mathématiques et les sciences dures. Il n´y a aucun cours d´Histoire ni de Géographie en école primaire. Ainsi, un jeune péruvien lutte á connaître la capitale des voisins brésiliens et argentins. Hier, un jeune a même dit que la capitale du Pérou était Ica. Parfois, le Portugal est un pays d´Asie...

Dans le secondaire, le cours "Histoire Géographie Economie" existe. Il est basé sur des ouvrages allant du 1er grade (4eme) au 5em grade (Terminale), et sont intéressants. Je me les suis presque tous tappés á l´exception de celui de 3em grade. Le problème c´est que les étudiants ne les lisent pas...et que les professeurs n´enseignent que 10% du contenu de ces livres. Parfois, en aide au devoirs, je demande aux jeunes étudiants du secondaire de me faire une petite synthèse orale sur un des sujets. Ce sont leurs réponses qui me font avancées de chiffre de 10%. 

De manière évidente, le Ministère de l´Education du Pérou  s´est doté d´ouvrages de qualité, que les professeurs ne suivent pas vraiment. D´une autre manière, le Pérou est un pays dont l´Histoire est longue et riche, dont la Géographie est infiniment variée, dont l´Economie est dynamique et complexe et dont la Culture est multiple donc passionnante. Sur ces quatre points, très peu sont connus du bon élève qui va au bout de sa scolarité. Plus crûment, la seule racine sur laquelle peut se construire le jeune péruvien....c´ est la racine carrée. 

Je le dis, je l´écris et je le revendique; au niveau sociétal, il est beaucoup plus louable de connaître l´Histoire de l´Independance du Pérou, que de savoir mesurer le volume d´un dixième d´une demie sphère. Il est beaucoup plus difficile de trouver une inconnue de sa propre culture. Et je crains que "x" tende vers 0 de manière asymptotique. 

Nazca est une ville avec un fort héritage culturel, oú la culture est souvent bafouée. Au delà de l´aspect scolaire, je me suis rendu compte que les gens ne lisaient pas. La seule librairie qui existait pour les quelques 50 000 habitants á la ronde vient de fermer. Évidemment, on peut toujours trouver la Bible en ville. Pour les romans de Vargas Llosa et de Garcia Marques, on repassera. Quand j´écris que les gens ici ne lisent pas je suis arbitraire et ethnocentrique. Les gens lisent, mais des choses que je juge médiocres. Ce que lisent la plupart des gens ici ce sont les journaux. Mais á l´exception de 3 journaux (El Comercio, La Republica et Gestión), le reste possède une qualité d´information inférieure á NRJ12, et une qualité littéraire qui rappelle les longues tirades d´un participant de Secret Story. Dans ces journaux, vous trouvez plus de femmes en strings que de virgules. L´information traitée est basée sur le fait divers. Vous trouverez ainsi tous les détails sur la vie sexuelle des pseudo stars de la télé-réalité péruvienne. Vous trouverez quelques détails sur les évènements liés á la violence civile. Du sexe et de la violence, confondus dans un pâté illisible, que je juge, á la hauteur du caniveau.  Dans ces journaux, on ne compte pas les idées, ni les opinions...et n´attendez pas qu´elles divergent. Et comme disait Desproges: "dix verges c´est énorme". Voila de quoi les intéresser!

En une question-réponse, applicable ici, ainsi que dans plein d´autres endroits (France incluse): "What is the difference between literature and journalism? Journalism is unreadable, and literature is not read." ("La presse est illisible et la littérature n´est pas lue"). De quoi mesurer les progrès que nous avons fait, depuis que cette phrase fut écrite...Par Oscar Wilde. Pire que tout, il se pourrait que les blogs aussi, soient illisibles! 

 

24 octobre 2013

Chapitre 14 : Football et démocratie: Une histoire sud-américaine.

 Une critique de Patrice Evra, sans fond, ni forme remet en lumière un fait saillant du sport et de la société. Le fait que les sportifs, les footballeurs en particulier, soient limités au niveau cérébral est une idée partagée par l’essentiel de la population mondiale. Au Pérou y compris. Entre inculture et débilité la critique n´a pas encore ciblé le mal. Il est de bonne augure de dire qu´un footballeur intelligent, c est un footballeur qui se tait. 
Au regard des cas « Ribéry » ou « Neymar », les Objectifs du Millénaire pour le Développement relatifs à la scolarité et l’alphabétisation semblent hors d’atteinte. Cette idée ne date pas d’hier. Ainsi Pierre Desproges déclarait, « Les hémorragies cérébrales sont moins fréquentes chez les joueurs de football. Les cerveaux aussi ».

Aujourd’hui, certains trouvent justification à cela en s’appuyant sur la formation des jeunes footballeurs, trop orientée vers la performance individuelle et pas assez vers la culture (Dhorasoo). Plus profond que l´inculture, c´est toute l´image du football qui s´est modifiée. Le football fut un sport populaire, un sport de pauvres. On y jouait entre ouvriers á la sortie de l´usine. On  a églement des preuves de matchs entre francais et allemands lors de la Premiere Guerre Mondiale. De toute évidence, ces matchs opposaient les premieres lignes de combat.
Les élites ont toujours été interessées par le football. Mais ils ne sont passés du divertissement á sa gestion que lorsque celui a commencé á dégager une mane financiere importante. Avec elle, les salaires des salariés des clubs ont progréssés et la gestion d´un club pro s´apparente aujourd´hui á celle d´une entreprise...voir d´une multinationale. La mobilité des facteurs de production s´est accrue (tant des joueurs, que du capital) et donne meme lieu á des dé
bats sans fin sur la fiscalité des salaires des joueurs professionnels.

Faut-il aligner notre fiscalité sur la fiscalité monegasque, quitte á remetre en cause toutes les finances publiques francaises...et tout le contrat social? La question se pose pour certains, et la grace de l´élite tient á sa force de persuasion. Elle réussit á nous faire verser une larme en pensant aux sorts fiscaux de Javier Pastore ou Zlatan, tout en laissant inexpliquée la difference entre un taux marginal d´imposition...et un taux moyen.
Le citoyen non-informé souhaite supporter la meilleure équipe possible, et appuis donc le message fiscal. De plus, ce citoyen n´est plus qu´un simple supporter. Il est désormais un spéculateur qui place son argent sur les sites de paris en ligne. 
Ainsi, le football qui était un sport populaire, est désormais un sport oú des optimisateurs fiscaux courent derriere un ballon, et oú les spectateurs sont restés des passionnés tout en  devenant des speculateurs. Loin de moi l´idée de debatre du bien ou du mal de cette situation que j´ai exagéré (legerement). Le simple constat, est que le football est devenu plus individuel qu´auparavant et que les joueurs ont gagné en égoisme ce qu´il ont perdu en culture. 


C´est a
u milieu de cette idée répandue de « manque de cerveaux » et d´individualisme, que j’aimerai aujourd’hui partager une anecdote. Voici l’histoire du footballeur malgé lui. L´histoire d´un mec au nom de philosophe, qui fut medecin, opposant politique á une dictature militaire...Et capitaine de l´equipe nationale de football...du Brésil.

C’est l’histoire d’un contre-pied.

 

 

Socrates. Il s’appellera ainsi car son père lisait l’ouvrage du philosophe grec pendant la grossesse de sa femme. Né en 1954 à Belèm do Para, dans le nord du Brésil, Socrates est l’ainé de la famille. Très vite, son père fonctionnaire est muté dans l’Etat de Sao Paulo, dans la ville Ribeirao Preto…Ville que je connais très bien!  C’est dans cette ville que naitront les petits frères de Socrates, dont le petit dernier, Rai.

En 1964, un coup militaire éclate au Brésil, et Socrates (alors âgé de 10 ans) avouera que cet évènement a eu une influence considérable sur sa vision du monde et de la politique. Dans le même temps, il poursuit sa scolarité et il se passionne pour le football, comme beaucoup (tous ?) de brésiliens. A 16ans, il joue pour le Club du Botafogo de Ribeirao Preto. Un an plus tard, il réussit à intégrer la fac de médecine de l’Universidade de Sao Paulo. Très vite, les problèmes se posent. Son emploi du temps est incompatible avec la poursuite d’une vie de footballeur professionnel. L’entraineur Jorge Vieira déclare alors : « jogador que não treina, não joga » (un joueur qui ne s’entraine pas, ne joue pas). Trop talentueux balle aux pieds, le Botafogo fait un écart et accepte que Socrates poursuive ses études tout en jouant, sans s’entrainer comme les autres.

En 1977, Socrates prête le serment d’Hippocrate, il est officiellement médecin. Il n’exercera que très peu cette fonction, car l’année suivante, « Le Docteur » signe aux Corinthians.

dr socrates

C’est dans cette période la plus noire de la dictature, sous le « gouvernement » Medici, que Socrates va s’engager politiquement. Dans l’Histoire du Brésil, les années 1979-1985 sont qualifiées de « anos de chumbo » (les années de plombs), et sont marquées par des arrestations arbitraires, des emprisonnements sans jugements et la disparition et l’exécution de nombreux opposants au régime militaire. C’est dans ce contexte et avec l’aide de ses coéquipiers des Corinthians ainsi que de l’appui d’un sociologue, que va se créer la Démocratie Corinthienne (Democracia Corinthiana).

 Face au régime autoritaire, la Démocratie Corinthienne est une épine. Toute la gestion du club des Corinthians et les choix passeront par le vote des dirigeants et des joueurs. Le régime ne peut rien faire,  les soutiens à la Démocratie Corinthienne sont trop nombreux. Tous les employés du club votent, le club fonctionne en auto-gestion. Une petite dèmocratie existe au sein de l´Etat fasciste. Pire, elle est emmenée par des footballeurs, et nous sommes au Brésil. 

Le maillot est floqué des dates des futures élections internes, ou simplement du mot « Democracia ». Parallèlement, l’équipe enchaine les bons résultats et les titres. Socrates est alors appelé en sélection nationale. Il sera capitaine de la Seleçao lors de la Coupe du Monde de 1982. L’étendue de son talent de footballeur va conquérir le monde. On l´apellera mondialement "Le Docteur"...la plupart ignorant pourquoi. 

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 Grand, maigre et barbu Socrates sera le meneur de jeu du Brésil…et jouera avec un bandeau sur le front. Sur l’un de ces bandeaux, on peut lire dans la langue de Shakespeare : « Need Justice ». La démocratie trouve un vecteur de diffusion : le football, dans l’élégance du capitaine Socrates.

C’est à l’aube de la globalisation du football que la Fiorientina s’attache les services du « Docteur ». Sa force de travail sera transférée en Europe.  
 Lors de son arrivée en Italie, Socrates prendra –comme sur le terrain- tout le monde à contre-pied. « Quel est l’italien que vous admirez le plus ? Mazzola ou Rivera ? » lui lance un journaliste sportif. Socrates répondra : « Je ne connais aucun des deux. Je suis ici pour lire Gramsci dans le texte et pour étudier l’histoire du mouvement ouvrier ».

 

 

 

Son idéologie politique se traduira jusqu´au nom qu’il donnera à l’uns de ses fils : Fidel.
Sa saison à la Fiorentina est décevante. Il ne reste qu’un an et retourne au Brésil en 1985. Comme un symbole, le retour de Socrates se calque avec le retour de la démocratie au Brésil. L’année suivante, il éblouira à nouveau la planète football de son talent. Ce sera sa dernière Coupe du Monde. Il deviendra par la suite joueur du Flamengo, puis de Santos, avant de devenir consultant sportif et d’ouvrir une petite clinique à Ribeirao Preto. En tant que consultant sportif, il aura l’occasion de voir son petit frère Rai, porter –lui aussi- le brassard de capitaine de l’équipe nationale. 

A la suite de problèmes liés à l’alcool, Socrates meurt le 4 décembre 2011. Il laisse derrière lui le souvenir d’un joueur talentueux, engagé et cultivé.

Son histoire n’est qu’une anecdote à l’aune du football moderne. Mais, elle mérite d´etre connue.

Alors, les footballeurs sont-ils tous incultes et égoistes? Peut-être. Mais ils ne l´ont pas toujours été...du moins, pas tous!

16 octobre 2013

Chapitre 13: Travail informel Nasqueño

Cela fera bientôt quatre mois que je vis à Nazca, ce petit bled paumé le long de l`intèrieur de la Costa péruvienne. Le quotidien est devenu routinier, parfois passionnant, parfois ennuyeux. Je ne regarde presque plus ces montagnes fantastiques qui m`entourent et qui naguère aspiraient mon regard et alimentaient mon esprit. L´aridité est devenue une caractéristique commune plutôt qu`un mélange d´étonnement et d´angoisse. Parler espagnol est devenu naturel. Le boulot est devenu une coutume, et il n´est plus toujours assuré de me lever en me disant: "Trop cool! je bosse dans une ONG qui mène de projets de développement basés sur l´éducation". Parfois j´ai l´impression d´avoir un boulot comme un autre, avec des horaires fixes, des collègues, des comptes à rendre, des rapports hiérarchiques, des incompréhensions, des désaccords.  Là s´arrentent la plupart des similitudes avec un boulot lambda. 

Pour le reste, j´ai quand même la satisfaction de travailler en percevant les fruits de mon travail, d´aider des jeunes, la majorité défavorisés, dans un quartier pauvre, d`une ville pauvre, d´un pays encore en développement. Puis, de temps en temps, quand je passe dans le terrain vague du bidonville, seul, je regarde le paysage, et me rends compte que c´est un privilège d´etre ici, dans un pays chaleureux où les gens sont sympa, calme mais aussi haut en couleurs. Rien que certains métiers ici sont totalement loufoques. C´est le sujet de cet article. 

En me promenant en ville, j´ai répertorié certains boulots, activités lucratives qui continuent de me choquer. Voici, pèle-mêle, la liste des 10 boulots les plus..."Nazqueños". Oubliez votre bureau, votre ordinateur, votre planning, votre ligne de métro, votre boss et votre contrat de travail...Direction la calle Nazqueña!

1) Chauffeur de colectivo. Chauffeur de taxi, sans habilitation, sans patron, sans salaire fixe, voire sans permis de conduire! Le chauffeur de colectivo utilise sa voiture personnelle et traverse Nazca de long en large. Son prix est généralement fixe: 1 sol. Il propose également un service de "taxi" pour 3 sols. Il monte également ses tarifs la nuit.  Son objectif est de remplir sa voiture d´un maximum de personnes. Vous calculez comme des français en vous disant: Le chauffeur, plus 4 passagers, donc 4 sols de recettes. Faux! C´est un colectivo, et nous sommes au Pérou. En l´abscence d´autorité, le chauffeur peut accepter de prendre 6 ou 7 passagers. J´ai déjà vu 11 passagers, soit 12 personnes dans un vieux break. Mais comment ce chauffeur peut amortir son capital (sa voiture) à coût de pièces de 1 sol. Réponse: Il ne l´amortit pas, un peu comme son colectivo n´a plus d´amortisseurs. Chauffeur de colectivo est un second métier. On est chauffeur de colectivo pendant son temps libre afin d´arrondir les fins de mois et de mettre du quinoa dans son lait. 

2) Peseur. Oui oui. Peseur! Sans doute le boulot qui rapporte le moins. Le peseur a également du capital (une balance), il a également un lieu de travail (le trottoir d´une rue fréquentée), un prix stable (50 centimes), voire des concurrents! Le peseur vous propose de vous peser, afin de...vous peser! Concernant la rentabilité de cette profession: très douteuse. Concernant son utilité: Très douteuse. Il a l´avantage de rendre le service rapidement (on ne fait pas la queue pour se peser) et de pouvoir délocaliser son service rapidement d´une rue à l´autre.

3) Boulanger et glacier à bicyclette. Un vélo avec une remorque, un bon coup de pédale et une voix qui porte. Voila les trois ingrédients principaux. Le boulanger sillonne les rues en hurlant: "Pan pan pan!", le glacier "Helados helados". Le boulanger fait son beurre le matin en vendant des pains qui n´en contiennent pas. Le glacier est stratégique. Il se positionne á proximité de son principal client: l´enfant. On trouve ainsi un glacier à l´horaire de sortie de plusieurs écoles. A coté du boulanger et du glacier on retrouve également des métiers de types: vendeur de poisson à bicyclette ou vendeur de fruits. Les plus aisés font le même travail...en moto.

4) Crieur (transport). Crieur ne nécessite qu´une voix qui porte et aucun capital matériel. Le crieur travaille pour une compagnie de transport (bus ou mini van). Il se positionne à proximité du moyen de transport et hurle la destination du prochain départ afin d´attirer des voyageurs. On peut ainsi recenser les principaux crieurs au rond point de Nazca, dont les destinations (les hurlements) sont: Marcona, Ica, et Chala. 

5) Cireur de chaussures. Métier assez sud-américain, vu comme très péjoratif d´un point de vue européen. Le cireur de chaussure possède, néanmoins, des avantages que les autres métiers cités n´ont pas nécessairement. Le cireur de chausseur a du matériel (un socle pour travailler), des inputs (du cirage), requiert un savoir-faire, et peut approcher tous type de clients, des pauvres, mais aussi des gens riches, susceptibles de donner un petit plus (dans tes rêves!). Enfin, son prix est supérieur aux autres services mentionnés, puisqu´il peut facturer jusqu´á 5soles. Le cireur de chaussure de Nazca est un marketeur franc. Il n´hésite pas à t interpeler: "Hé amigo, tes chaussures sont vraiment sales". Ça choque, ça blesse, parfois ça marche. 

6) Vendeur multimédia Jack Sparrow. Le vendeur multimédia (souvent vendeuse) met en vente des films et des musiques, des CD et des DVD...piratés...en pleine rue! Adopie pas ici! Le vendeur à généralement travaillé le packaging, au point que le boîtier contienne les images du film (ou de l´album de musique) en question. Les prix sont dérisoires (5soles en moyenne)...la qualité de l´image peut l´etre tout autant. Ce vendeur voit sa part de marché s accroître avec le développement (les gens achètent des radios et des lecteurs DVD), mais aussi décroître avec celui-ci (les gens ont accès à internet et piratent eux mêmes). L´impact net est donc incertain. Ce qui est certain c´est que, comme dans Pirates des Caraïbes, la concurrence entre pirates est bien une réalité féroce. 

7) Vendeur d´oeufs de caille. Il se balade avec son chariot comprenant deux étages. Au premier étage s entassent les oeufs. Au deuxième est positionné un réchaud qui servira á faire cuire les oeufs où à préparer une omelette. Les prix sont plus petits que les oeufs (2 ou 3 soles)...l impact sur le système digestif est plutôt nuancé. Mais bon, l´alimentation est ici une priorité que la santé publique n´est pas. 

8) Broker. Toujours dans le secteur des services..mais cette fois des services financiers. Pas besoin d´un MBA spécialisé en Finance pour bosser dans ce secteur...du moins tant qu´on est informel. Le broker travaille avec en toile de fond le marché du Forex oú sont tradées les devises. Il propose des services de change en dollars et en soles....et même en euros! Ses clients sont: Les touristes, mais aussi les gens qui ont contracté des emprunts auprès d une banque dans une autre devise (on peut emprunter en dollars au Pérou). Le broker doit s informer des mouvements de change, surtout dans cette période de possible revirement de la politique monétaire américaine. En effet, en cas de remonter du taux directeur de la FED, les capitaux vont retourner aux USA (se placer á un taux supérieur) et quitter les marchés émergents (comme le Pérou). Cette fuite des capitaux entraîne une chute du taux de change national que la Banque du Pérou tente de compenser en vendant des dollars contre des soles sur le marché monétaire péruvien. Ainsi, le broker de rue doit suivre la politique monétaire américaine, péruvienne, et les mouvements de capitaux qui feront varier le taux de change. La prise d´ information limite son risque de change. Il ajoutera au taux du marché, une commission personnelle, qui à la particularité d être moins élevée que les commissions des banques péruviennes (en situation d´oligopole confortable). En contrepartie, il faut accepter d´échanger ses devises (liasses de billets) dans la rue...en face de la banque!

9) Coordinateur de colectivo. Dans le domaine de la logistique, voici, de mon point de vue, le métier le plus dingue ici. Vous vous souvenez du système de colectivo; ces taxis informels? Ils ont certains points de départ dans la ville. Ainsi, si l on veut se rendre du centre de Nazca vers Vista Alegre ou Nueva Villa, il est plus simple de prendre un colectivo depuis l´angle de la rue Arica et Lima. On aperçoit une dame, qui remplis les colectivos. Elle cherche á remplir au maximum les voitures, et prend une commission de 10 centimes par passagers. Cette commission est á payer par le chauffeur, qui lui même, est heureux de voir son colectivo se remplir rapidement. Cette dame est ainsi la personne qui possède le plus de pièces de 10 centimes de toute la ville de Nazca. Elle est tres connue et se souvient assez bien des clients. Ainsi, dés que je me rapproche, elle me trouve très vite un colectivo pour Nueva Villa, m´ouvre même la porte. Fidélisation du client garantie!

10) Restaurateur ambulant. Toujours dans le secteur des services, mais cette fois-ci, dans la restauration. Le restaurateur ambulant tracte son "restaurant" grâce á une moto. Je vous laisse imaginer la taille du restaurant. Un réchaud, du gaz, quelques ustensiles et quelques chaises en plastiques. Il propose différent services de restauration en fonction de son savoir-faire. Certains sont spécialisés dans le petit-déjeuner, d´autre dans le Ceviche, dans les hamburgers, dans les frites bien grasses où encore dans le simple jus de fruit. Le choix est limité dû á la taille du restaurant. On y consomme ce qu´on y prépare. Pas de carte, pas de prix écrits, pas d´obligation de manger sur place, et pas de normes d´hygiene alimentaire. Les prix défient toute concurrence. On peux prendre le petit dej´ pour 3 soles....contre 6 minimum dans un restaurant "en dur". Évidemment, pour ce prix on sacrifie le calme, le moindre confort et surtout on envoie un SOS á son estomac de gringo! 

Pour conclure, il convient de préciser que le secteur informel est beaucoup plus large que ces dix métiers. De fait, il convient également de dire que ces métiers représentent assez mal le marché du travail á Nazca. Pour être plus précis, celui-ci peut être segmenté par genre. Pour les femmes: vente de vêtements et métiers de bouches aspirent l´essentiel du volume de main d´oeuvre. Pour les hommes. services touristiques, mécanique et et secteur minier sont les trois principaux secteurs ici. 

Je vous laisse et m´en vais prendre mon colectivo! 

15 septembre 2013

Chapitre 12: Le bidonville de Nueva Villa.

J´ai parfois la chance de ne pas trop travailler le samedi matin. J´en profite souvent pour aller vadrouiller dans les rues ensoleillées de Nazca. J´aime découvrir les derniers recoins de cette petite ville bercée par un beau temps quotidien.  Cela me permet de connaître un peu mieux ce grand village dans lequel les voyageurs ne s´attardent pas. En connaissant mieux Nazca, je commence á la comprendre. Mais ce matin lá, je ne suis pas descendu á Nazca.

Je n´ai pas descendu le bidonville de Nueva Villa, longé la Panamericaine et le quartier de Vista Alegre pour me rendre jusqu´au centre ville de Nazca. Plutôt, j´ai remonté la "route" du bidonville. Les bidonvilles, favelas, slums, font partie des lieux les plus pauvres de la planete, pour autant ils bercent les esprits de beaucoup de personnes dans le monde "occidental". Violence et pauvreté s´entremelent dans l´esprit du citoyen Européen regardant la Cité de Dieu sur écran plat...Certains se rendront compte que l´acteur jouant le rôle de "Manu Le Coq" (Mane Galinha) n´est autre que Seu Jorge, artiste brésilien qui transporte la favela dans le monde, via la musique. Au dela des mythes et des écrans, le bidonville reste un endroit peu connu des français du XXI eme siecle. Néanmoins, la Cidade de Deus n´est pas un mythe. Elle existe. C´est une favela au sud de Rio de Janeiro.
Très peu d´études existent sur "le fonctionnement du bidonville". Face á cette situation, c´est en toute simplicité que j´entreprens le début de la remontée du bidonville de Nueva Villa. En voiture! Enfin, "á pieds" plutôt

J´habite dans la montée du bidonville, á l´endroit oú la route est symptomatique du développement et ses limites. J´habite lá ou la route goudronnée s´arréte, laissant place á un chemin de sable et de pierres, damé par les voitures qui s´y aventurent. A ma droite: le goudron de la route qui descend jusqu´á la Panaméricaine. A ma gauche: le début du chemin sableux qui monte dans le bidonville. Son lien routier, comme son artère aorte qui le connecte á la ville et á la vie. 

Je prends á gauche et remonte le chemin sableux, m´enfonsant tranquillement dans le bidonville. Il fait une chaleur intenable et la montée me fait transpirer. Le sable vient se coller sur mon visage, mes bras et mes jambes, comme le tampon du visa qui te permet d´entrer dans Nueva Villa. 

 

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 Au carrefour de la première perpendiculaire, une vieille péruvienne avec un chapeau traditionnel cachant sa longue tresse, vend des confiseries. En m´approchant, je constate qu´elle est en fauteuil roulant. Ici beaucoup de gens n´ont pas de retraite, pas d´assurance maladie, pas d´assurance chômage et aucune aide directe de l´Etat. De fait, les plus vulnérables doivent travailler jusqu´á leurs derniers jours. Le problème principal du Pérou n´est pas l´insécurité civile, c´est l´insécurité sociale. L´une et l´autre pouvant s´auto-alimenter. La misère existe partout dans le monde, de Stockholm á Niamey. Mais on constate les lacunes dans la manière de la combattre. L´Etat péruvien démontre son laxisme et son manque de responsabilité politique, face á la pauvreté d´une bonne partie de ses électeurs. J´achete un paquet de cacahouetes qui ne financera pas la retraite de la vieille, et je continue mon ascension. Je m´arrete un peu plus loin pour acheter le journal Gestión, quotidien économique du pays. En première page, les évolution du taux de croissance du Pérou

Pérou

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Variation PIB (%)

8,9

9,8

0,9

8,8

6,7

6,0

6,3

Vous l´aurez compris, nous sommes dans un pays dynamique. Pays émergent, plein d´opportunités...Mais, ce qui se présente devant mes yeux au-dela de mon journal, entre en contradiction avec ma lecture. Celle-ci parait une rodomontade...
Plus je monte dans Nueva Villa, plus je descends l´echelle sociale du Pérou. A ma gauche, la Place de Nueva Villa est quasi déserte. Au loin, quelques hommes discutent á l´ombre. La Place est surplombée d´une grande pancarte faisant la promotion du développement du bidonville, notamment en se focalisant sur la ressource la moins disponible ici: l´eau.

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Il convient de rappeler, qu´ici les besoins primaires comme la nutrition, les premiers soins, ou encore la présence d´eau potable (voire d´eau courante!) ne sont pas toujours satisfait. Cette pancarte vient me le rappeler...et vient faire la promotion du maire actuel: Ingénieur Guttierez Cortez. Au Pérou, les ingénieurs se sont auto-délivrés la particule "Ingeniero", un peu comme les médecins ou les avocats. La corporation et les "confrères" en ont ainsi décidés, et le reste de la société acquiesce, dans un mélange de respect, de sentiments d´infériorité et de servitude. Mr Guttierez Cortez, ou l´accelerateur de particules.

Plus haut, une femme a aménagé sa maison du rez-de-chaussée en y mettant quelques ordinateurs afin de monter un cyber-café. A Nueva Villa, on peut ne pas avoir l´eau courante, mais passer son après-midi sur Facebook. C´est une caractéristique du développement que j´avais déja constaté dans les villages de Casamance ou du Sénéchal Oriental. Elle peut choquer les économistes qui restent au bureau. Elle est le quotidien du terrain...Elle met au tapis la pyramide des besoins de Maslow.

A quelques mètres plus haut, j´entends des cris. C´est un terrain de football en synthétique flambant neuf!!! Avec des tribunes! A l´entrée du stade, je retrouve très vite le nom du Maire...Je ne sais jamais si je dois l´appeller Monsieur Le Maire, ou Monsieur L´Ingénieur. Peut-être que les deux lui conviendrait. Je ne le sais pas...la seule fois que je suis allé á la mairie, il était sensé signé mon papier pour le visa. Sauf qu´il n´était pas la á l´heure de notre rendez-vous. "L´Ingénieur Cortez Guttierez soutient le développement du sport". Cette phrase est inscrite sur le mur, derrière la cage du gardien de but aussi maladroit que le marketing d´une campagne électorale de Nueva Villa.  

 

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Je me pose dans la tribune pour assister au match opposant deux équipes de jeunes. Le niveau est faible. Je m´ennuie presque. Les péruviens et le foot, c´est un peu comme les anglais et la nourriture: Ils adorent ça, mais ils ne savent pas faire! Si l´équipe de France fait peine á voir, elle reste néanmoins très au dessus de l´équipe nationale du Pérou, pour ne pas vous détailler le niveau du championnat national qui á des allures de championnat district de la Drôme.

Néanmoins, les Péruviens sont passionnés de football. A tel point que personne ne semble choqué de voir la mairie financer un stade de foot, plutôt que le goudron de la route, le système d´égout, une école pour les enfants du bidonville, ou encore la venue de l´eau courante dans les maisons. 

Je ne regarde pas le match jusqu´á la fin, et continue de remonter le bidonville. Très vite, les maisons deviennent toutes de paille de d´adobe. J´atteinds un lieu oú les gens doivent tous toucher moins que le salaire minimum. Au Pérou le salaire minimum est de 750 soles, soit 203euros par mois. Petite pause au milieu du bidonville. Pour votre confort et votre intérêt, voici les évolutions de quelques indicateurs économiques:

 Pérou

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Taux d´inflation (%)

1,1

3,9

6,7

0,2

2,1

3,9

3,28 (1)

Salaire  mínimum (soles mensuels)

500

550

550

580

675

750

750

Taux de pauvreté (%)

44,5

39,3

36,2

34,8

31,1

n.c

n.c

Données: Fond Monétaire International (Article IV 2012); Banco Central de Reserva del Peru.
(1)    Variation sur 12 mois (Mai 2013).
   Données: Fond Monétaire International (Article IV 2012); Banco Central de Reserva del Peru.


Le taux d´inflation est assez bien maîtrise, quoi qu´avec une importante infraction á la cible d´inflation en 2009 (cible d´inflation entre 1% minimum, et 3% maximum).
Sur la période considérée, le salaire minimum (nominal) a augmenté de 50 pourcents, soit un rythme très supérieure á l inflation. De fait, le salaire minimum réel, a bien progressé, augmentant le pouvoir d´achar et permettant d´expliquer une partie de la baisse du taux de pauvreté parmi les péruviens. 

Lá se termine une analyse que j´aurais pu faire en France: Tout va plutôt bien, ça progresse. Sauf que devant moi les gens n´ont pas du tout les moyens financiers que prétendent mes chiffres. Oú est l´erreur?

Pour comprendre la première erreur, il faut se souvenir de la vieille en fauteuil roulant. En effet, le salaire minimum ne concerne que les emplois du secteur formel. A Nueva Villa, le secteur formel est plus rare que l´eau! Quand on vend des cacahuètes á 1 sols sur le bord de la route, on n´atteind pas 750 sols par mois. Nueva Villa c´est le cauchemar pour l´agent de la SUNAT (le fisc péruvien). Rien n´est déclaré, pas de titre de propriété, pas d´impot sur la production, très peu de service public, pas de contrat de travail, pas de salaire minimum et donc pas d´impot sur le revenu. Le fisc ne vient pas ici. Rien n´est régulé. Il ne m´étonne pas de voir á quel point le paradis du libéralisme colle avec le quotidien des endroits les plus pauvres du monde. 

La seconde erreur vient de l´évolution du taux d´inflation. Il convient de le disséqué afin de pouvoir en ressortir un indicateur d´évolution des prix qui "convient" aux habitants de Nueva Villa. Car dire aux gens: "Les prix de certains produits ont baissés depuis 10 ans...Billets d´avion, écran télé, appareils ménagers..." c´est dire la vérité tout en en tirant un jugement inique. Le voyage étant proscrit du panier de la ménagère de Nueva Villa, tout comme l´achat d´un écran plat ou d´un appareil á gaufres. Il convient donc de concevoir un taux d´inflation "de pauvres", reflétant mieux leur consommation. Les meilleurs pour le concevoir sont les pauvres eux-mêmes. A défaut, je propose une piste. Un indicateur qui mettra une grande pondération á l´evolution des prix alimentaires, et au prix de l´eau. Je consulte alors les données de la Banque Centrale du Pérou. 
J´obtiens les données suivantes dans le Rapport d´Inflation de Septembre 2013 : variation des prix de Janvier á Aout 2013: 
Pomme de terre: +17%
Poisson frais et congelé: +46,6% (le pauvres aussi mange du ceviche, il suffit d´aller au bord de Lovalo de Nazca pour le voir!)
Oeufs: +18%.

Seul le poulet et le riz semble stable. 
Bref, l ´inflation de 3,28% est assez éloignée de la réalité des pauvres du Pérou.
 
Pour le prix de l´eau. Un bidon de 110litres vaut 4sols. Il faut environ un bidon par personne et par semaine. Pour un couple avec 3 enfants, on atteint donc environ 20 sols par semaine, oú environ 80 sols par mois. Cela représente environ 11% du budget pour une famille dont seul un adulte travaille (au salaire minimum)...mais plein de gens ne travaillent pas pour le salaire minimum! La dépense en eau dans le budget d´un foyer de Nueva Villa peut ainsi représenter entre 5% (les deux parents travaillent dans  le secteur formel)  et 20% (un seul parent travaille, dans le secteur informel). Evidemment, je parle d´eau courante, pas d´eau potable...si je souhaite parler d´eau potable, je sale davantage l´addition et il me reste juste assez pour y mettre des nouilles!

 

Je m´infiltre dans les ruelles du haut du bidonville. La lumière se raréfie. Il est 17h15. J´ai atteint le sommet de Nueva Villa tout en touchant le bas-fond du développement économique. Il ne me reste plus qu´á redescendre. En faisant une petite pause...Sur les hauteurs des bidonvilles d´Amérique du Sud vivent les plus pauvres. Mais c´est aussi de lá que se contemplent les plus beaux couchés de soleil...

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4 septembre 2013

Chapitre 11: Lima, acte II

Encore une histoire qui commence á la gare routière...En ce samedi-midi, me voila á la gare routière de Nazca, dans le but de rejoindre Lima. Cette fois-ci je ne voyagerai pas en première classe. Il me faudra couper mon voyage en deux: Nazca-Ica, puis Ica-Lima. 

"Le prochain bus pour Ica part dans une heure" me dit la femme de l´agence de bus. Convertit en espace temporel français, j ´ai deux heures d´attente. Un riz-poulet en bord de route, le journal Gestión lu de la première á la dernière page, et 30 minutes d´attente dans le bus devenu un sauna, avant de prendre la route désertique qui mène á Ica. 

Pendant que mes yeux s´emerveillent face á la verdure de la ville de Palpa au milieu de l´aridité, mes oreilles savourent un vieil album de Mc Solaar. Je suis le seul gringo dans ce bus, le touristes évitant les compagnies (trop) économiques. La logistique des bus péruviens est assez proche de se que j´avais vécu au Mali. On ne sait pas á quelle heure le bus arrive, ni á quelle heure il part, ni l´itinéraire, ni la capacité maximum de passagers, ni le prix exact du ticket. Mais tout se fait dans la bonne humeur.  

En arrivant á Ica, un fou-rire me prend. Je me remémore ma négociation pour faire Sikasso-Bamako. Trois possibilités: le bus climatisé, le bus ventilé, ou le bus low-cost. J´avais pris le bus ventilé avec impatience de voir la tronche des ventilateurs...Et le bus ventilé n´était ni plus ni moins qu´un bus low-cost qui roulait les portes ouvertes! 

Changement de gare routière á Ica, et me voila dans le bus direction Lima...le bus s´appelle VIP. En fait, le bus VIP, s´est un bus "direct", au sens où il ne prend personne d´autre sur son passage. Pour le reste, les bus économiques ont l´habitude de faire monter et descendre des passagers au bord de la route...ce qui explique les retards de plusieurs heures. Au Pérou, quand tu prends le bus VIP, tu ne voyages pas en première classe. Ni en dernière classe.

Il est 20heures, je j´arrive á Lima, dans cette capitale gigantesque dont l´organisation et anarchique malgré les rues parallèles et perpendiculaires qui tissent la ville. Il fait froid et humide. Au coin des rues, les chiens errants traînent en bande. En arrivant á la Plaza de Armas, j´appercois des policiers dans les quatre coins. Moustaches, gilets pare-balles, et surtout téléphones portables. Avachis sur leurs boucliers, chacun joue, ou traîne sur Facebook. Mark Zukerberg serait fiers de voir ça.
Des caricatures de flics ri-poux. Mais ils ont quand même l´air de s´ennuyer profondément...Je compatis un peu...et j´espere qu´il y a du monde sur facebook pour leur tenir la conversation. Au pire, ils conversent sur facebook...entre eux.

L´architecture est espagnole et les églises tissent la ville. Beaucoup de Limeños sont persuadés que Lima est la ville possédant le plus d´églises au monde. En bon non-religieux, je m´érisse comme un minaret: "Salvador possède plus d´églises que Lima, amigo" dis-je. Et me voila en train de défendre bec et ongle ma position, afin d´éviter de laisser mon adversaire prendre possession, tel les conflits de temples bouddhistes de la frontière thailo-cambodgienne. J´essaie d´organiser ma pensée, et je stresse devant mes lacunes, comme un jeune la veille de sa Bar Mitzvah. L´hebreu serait donc la seule langue dont le mot "bar" ne signifie pas la même chose? D´ou l´expression "C´est de l´hebreu"?  
Etre non-religieux en Amérique du Sud n´est pas un problème...être laïque l´est davantage.

Ici, les enfants ont un cours de "religion" á l´école privée...comme publique! Ce cours de religion traite presque exclusivement du christianisme...un peu comme un livre de football qui ne traiterait que du Réal Madrid. Je ne disserterai pas ici sur la religion, et j´aime beaucoup le Real Madrid. 

Dans le centre de Lima, je passe d´église en église.  
Je lève les yeux, pas vers le ciel, mais vers les voûtes magnifiques des églises et tente de me remémorer mon latin. Le latin est un langue morte. Mon latin est une langue oubliée. Il faut éteindre son portable, et son MP3, surtout que j´ai "Ni dieu, ni maître" de Léo Férré dans ma play-list. Le curé est éloquent. Il parle de la jeunesse, de la santé, ou encore du temps que l´on passe sur facebook. J´aime les religieux qui acceptent les mises á jour. L´Eglise 2.0. La religion presque sans l´injonction. Presque...

Le lendemain, me voila face au ministère des Affaires Étrangères du Pérou. Je passe de bureaux en bureaux pour déposer mon passeport, sur lequel j´espere recevoir un visa. Les bâtiments du Ministère sont nombreux, et je ne suis pas dans le bon. Les fonctionnaires d´Etat font preuve d´une incompétence assez remarquable...mais au moins ils sont drôles. Je trouve le bon interlocuteur et dépose, non sans crainte, mon passeport. Pendant deux jous, je sillonnerai Lima sans papiers.

Le bus est pourri. La rouille creuse les sièges. Chaque dos-d´ane (ou trou sur la route!) secoue le bus, et les sièges deviennent des vagues. Je me sens comme dans un vieux film latino-américain en noir et blanc, assis dans un bus, au milieu des embouteillages monstres de Lima. Dés que la route se libère, le bus fonce, a près de 100km/h...en pleine ville.

Le lendemain je parcours le quartier Miraflores. Lima a son quartier BCBG. Quartier beaucoup plus riche que le Centro ou Rimac, Miraflores montre ostensiblement son patrimoine. Immeubles récents, chaînes de restaurants et fast-food en étendard d´une mondialisation qui submerge la classe moyenne péruvienne. Il fait froid. Je rentre dans le Centro. J´achete un blouson en jean et je me pose dans un restaurant chinois pourri. En face, des vieux péruviens discutent de politique devant leurs soupes. La réforme agraire de 1969, la droite, la gauche, le Senderismo, la mondialisation, la corruption, la révolution cubaine, Chavez, Alliende, Lula et même Jean Paul Sartre. Ce dernier á une importance assez claire de certains mouvements de contestation sud-américains de la seconde moitié du 20em siecle. On le retrouve notamment dans les fondements du mouvement Tropicalismo au Brésil.

Le soir, je me retrouve quartier Santa Anita, dans une université. Je me pose á la cafétéria. Très vite, le gens me regardent. Je termine le dernier ouvrage de Mark Blyth sur le thème de l´austérité et j´attaque le dernier bouquin de Michel Aglietta sur le crise en Europe. Sa manière de s´attaquer á la theorie de Zones Monetaires Optimales en passant par l´economie politique internationale (EPI) me flatte, en bon étudiant de la fac d´éco de Grenoble, très (trop) axée EPI.
Un des étudiants vient discuter avec moi. Il fait des études d´economie. Il me pose des questions sur la crise de l´euro. Dans le timing! Je réponds á ses questions et tres vite ma table se remplit, trois, cinq, puis huit étudiants. On discute d´économie internationale, du développement en Afrique, des divergences de tissus productifs des économies est-asiatiques, ou du ralentissement dans les pays émergent. Je leurs donne mon opinion sur la baisse des cours des matières premières (baisse du rythme de croissance en Chine) et son impact sur les économies exportatrices de minerais comme le Pérou (voir Chapitre10). Je rajoute un élément que j´avais oublié, sur le rebalancement de la croissance chinoise de l´investissement (les chinois importent moins de minerais) vers la consommation. Je suis ainsi très proche de la thèse de OCampo, que vous pouvez lire ici

Je passe á la bibliothèque (minuscule) de l´université et je me pose dans une salle pour y lire le journal, en bon diplômé qui revient sur ses traces. Les étudiants parlent de TD, de partielles et de leurs prof. Ce petit retour dans le passé m´a fait du bien. Mais il faut rentrer, prendre un bus en état d´obsolescence pour retourner dans le Centro.

Le lendemain, j´irai chercher mon visa. Après une visite du musée du Banco Central, des catacombes de San Francisco, un lomo saltado et me voila de retour á la gare routière de Lima. Après une longue attente, je prendrai mon bus pour Ica au milieu de la nuit. A 4.30 je serai á Ica, en train de changer de gare routière avec une tête rappelant les films pleins de zombis. Puis dans un autre bus vers Nazca. A 6h, j´atteindrai Nazca, au levé du soleil, de retour á la gare routière. Au point de départ, mais avec plus de souvenirs. 

21 août 2013

Chapitre 10: Chacun sa crise

C´est grâce á une charge de travail allégée que je vous écris ce chapitre. 
Sur fond de risque de propagation de la grippe H1N1, les établissements scolaires de nombreuses provinces du Pérou sont maintenues fermées jusqu´au 2 septembre. Face á des cas de malades, les jeunes enfants, les moins jeunes, les gens souffrant de diabète ou d´hypertension sont vulnérables, et sont autant de cas courants dans les établissements scolaires! 
De quoi vivre un mois d´aout de vacances "á la française"? Pas vraiment...

Chômage technique dû á un risque de santé public élevé. De mémoire de mes cours d´économie du travail, aucune théorie du chômage explique mon cas actuel. A vrai dire, je ne suis pas vraiment au chômage, mais plutôt en sous-emploi. Le centre de langue où je travaille est toujours ouvert, ce qui me garantit de travailler le soir.

A la crise de santé publique (ou la prévention de crise pour être exact), s´ajoute une crise structurelle et sociale au Pérou. C´est le thème de ce chapitre.  Hier, une grève des mineurs a eu lieu, ralentissant, voire paralysant les routes á travers le pays. Le mode d´expression varie; de la simple manifestation pacifique et encadrée, á la fermeture brutale et impromptue des routes principales du pays, voire parfois au caillassage des véhicules souhaitant forcer le passage. Hier en fin d`apres-midi, un accord a ètè trouvè avec le gouvernement. Pour autant, je souhaite vous faire parvenir quelques impressions.

Je vous arrête tout de suite; nous ne sommes pas complètement dans Germinal d´Emile Zola. Le combat porte moins sur les conditions de travail, de salaire, de santé et de travail des enfants; et davantage sur le rôle que l´Etat joue (ou ne joue pas, selon les cas) dans les partenariats avec les mines publiques comme privées. Le système fiscal est au centre, tout comme le besoin d´avoir un level playing field, afin de sanctionner les mines informelles qui s´affranchissent de toute régulation, laissant les mines formelles face á un désavantage économique dans ce cadre de concurrence déloyale et illégale. Les revendications sont nombreuses, y compris les plus farfelues. Certains accusant même l´Etat de faire baisser les prix des minerais. Mais la principale raison de la chute des prix du cuivre provient du ralentissement économique chinois, donc d´une moindre demande mondiale de cuivre. De plus, le prix du cuivre est fixé mondialement á Londre, New York et Shanghai. Rien á voir avec l´Etat péruvien...  


En chiffres: le Pérou produit 7% du cuivre mondial (3em producteur mondial derrière le Chili et les Etats-Unis). Il est le second exportateur de ce minerai (derrière le Chili). La Chine importe, á elle seule, 28% du cuivre du mondial, et le Japon 23%. 
Face á une offre (péruvienne, américaine et chilienne) stable, quand la demande (chinoise) ralentit, le prix a tendance à baisser.

Graphiquement: Cliquer ici

Trêve d´analyse économique de comptoir. Face aux nombreuses revendications et á la place importante (mais loin d´etre unique) de l`industrie extractive dans la matrice productive du Perou, le plus étonnant fut de voir le reste de la population se positionner face au mouvement de grève. 

J´ai ainsi relevé certaines caractéristiques des "non-manifestants". Loin d´etre exhaustive, je vous tire une "petite typologie des non-manifestants".

1/ En première ligne vient le profil du "proche". Le proche a généralement un membre de sa famille, ou un ami qui travaille á la mine. Parfois, le proche a, naguère, travaillé dans la mine lui-même. Le proche soutient très largement les manifestants face au pouvoir politique. Il voit l´Etat comme un prédateur, avec en première ligne le président Humala. Souvent ancré á gauche, il s´oppose assez catégoriquement á toute décision de l´Etat. Pour autant le proche n´est pas forcement un anarchiste de gauche.

2/ Vient ensuite le profil du "business-as-usual man" (BUM). Libéral, il semble s´etre mondialisé plus vite que son pays. Son obsession est de faire du Pérou un pays  qui favorise les investissements, notamment étrangers (investment-friendly). A cette fin, il souhaite voir les infrastructures du pays fonctionnées á plein. De ce point de vue, le BUM s´oppose farouchement á tout trouble pouvant entraver (á court ou long terme) la croissance du pays dans l´obsession de la concurrence mondiale. Néanmoins, le BUM possède une contradiction assez profonde. Lorsque je lui demande si l´Etat péruvien taxe trop les entreprises (je sais chouchouter les libéraux du monde entier), il me répond un "Oui" sans nuance. Mais de fait, il donne raison á une des revendications des manifestants...pas forcement sur la forme, mais au moins sur le fond. 

3/ Le troisième profil est celui du "Stressé de la Classe Moyenne", ou SCM. Il m´aura fallu un an en Amérique du Sud pour cibler ce personnage clef. Le SCM est très répandu dans ce que j´ai vu du continent. Il convient de lui consacrer quelques lignes...
Le SCM a grimpé l´echelle sociale au cours de sa vie, au point de se trouver souvent en classe moyenne supérieure. Le SCM a déménagé, calquant sa mobilité professionelle sur une mobilité géographique. Il est passé des quartiers pauvres ou populaires aux quartiers résidentiels plus chics. Il a connu des périodes de troubles politiques et sociaux importants (dont la dictature militaire pour les plus anciens) et garde en mémoire vive l´insécurité comme une icône sur le fond d´écran de sa vie. Il est inquiet, il voudrait moins de délinquance et (donc?) plus de police.
Le matin, il prend son petit déjeuner devant sa télévision et assiste, stressé á un programme montrant des agressions de rues filmées par des caméras de surveillance. Ainsi les médias passent quotidiennement faire la mise á jour de l´icone sur le fond d´écran. Le SCM accepte toutes les mises á jour. Face aux asaltos (racket) il souhaite protéger sa famille et ses amis de toute cette violence. Il habite désormais dans un immeuble avec gardien (condominios au Brésil), connaît les deux codes d´entrée par coeur et possède trois clefs...pour les trois verrous de sa porte. 
L´insecurité étant une réalité dans les grandes villes d´Amérique du Sud, le SCM voit son pays comme dangereux et en informe vite les étrangers et les touristes. J´ai par exemple en mémoire une longue discussion avec des amis de Ribeirao Preto, dans laquelle je leur avais énoncé que j´habitais quartier Monte Alegre. On m´avais notamment proposé de changer de lieu et de m´installer en centre ville. Me m´empressais de refuser.
Même refrain á Nazca dans le bidonville de Nueva Villa. Enfin, même refrain face á la manifestation des mineurs. Le SCM voit la manifestation comme dangereuse, composée de membres armés et évalue une possibilité de guerre civile en cas de débordement. Comme je n`ècoute pas toujours les SCM, j`ai été voir la manif.
J`ai croisé plus de policiers que de manifestants. La police était armée jusqu aux dents et encerclait le début du cortège. Il m`ont interdit de prendre des photos. Face au fusil mitrailleur et à la politesse de l`homme en gilet pare-balles, je suis les ordres. "Police" et "politesse" n`ayant pas, étonnement, la même racine. "Police" provient à la base du grec πόλις (polis), la cité..."Politesse" provient du latin politus, uni, lisse, brillant.
Les manifestants passent sur un coté de la route Panamericaine. De l`autre coté, les voitures et les camions circulent, frôlant le cortège. Quand je demande à l`un des policiers si cela n`est pas dangereux pour la sècuritè des manifestants, il me fait comprendre qu`il valait mieux me taire. J`attends la fin du cortège, et je prend une photo furtive depuis mon téléphone portable. Je serai réprimandé par le pick-up de la police qui ferme la manifestation.
En cas de probleme avec la police ètrangere, je dègaine plus vite que mon ombre un: "Je veux voir ton supérieur. Je veux deux coups de fils. Un vers mon ambassade. Un vers mon avocat". J`ai appris cette technique en Cote d`Ivoire. Ça marche très bien.

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Fin du cortege de la manifestation sur la Panamericaine, et passage d`un camion en sens inverse. Nazca le 22aout 2013.



Informé, le SCM possède des arguments historiques corroborant cette possibilité de trouble de l`ordre. Informé, mais mal, le SCM aime l´anecdote, et la violence épouse ses névroses dont sa pulsion de mort, qu´il alimente et végète devant TV Globo ou ATV. La presse lui donne également satisfaction. Un journal comme la Folha de Sao Paulo, est-il encore un journal d`informations? Comme me disait un ami brésilien, "la Folha sert à allumer le barbecue, et à envelopper le poisson". J`ai eu honte pour le poisson.
En synthèse, le SCM n`a pas totalement tord...mais il exagère.

4/ Le dernier profil est celui du touriste. Le touriste est ici la version réductrice du touriste au Pèrou, au sens où il vient passer 2 à 3 semaines au Pèrou, avec une boucle classique du type: Lima-Nazca-Arequipa-Puno-Cuzco. Il optimise son voyage au fil des villes qu`il traverse. Routard en main et esprit ouvert, il a préparè son voyage en incluant d`èventuels retards dans les transports. Face au blocage des routes sur son parcours, le touriste se divise en deux sous-profils.
Il y a d`abord les touristes qui comprennent qu`au Pèrou, comme partout, il y a aussi des mouvements sociaux, des contestations, et des grèves. Ce touriste s`adapte et accepte de prendre plus de retard sur son planning. Il a le temps.
Le deuxième sous-profil est celui du "touriste RATP". Celui-ci cesse d`etre sympa. Il est très remonté face à la grève. Les grévistes ne comprennent-ils pas qu`il a épargné pendant un an pour payer son voyage au pays de lamas? Il n`a que 3 semaines et le temps est compté. Il voit le tourisme comme un service fourni et non pas comme une évasion pleine d`alèatoire. En clair, il est assez éloigné du baroudeur des Andes, et assez proche d`une attitude "Chatelet les Halles, prochain métro dans 2 minutes". Heureusement, ce n`est qu`une minorité.

A j`oubliais! Il y a le dernier profil. Celui du mec qui n`a pas grand chose à faire et qui lit le journal toute la matinée dans une "jugueria" où il sirote des jus de fruits de la passion. Celui-ci discute de la greve avec les autres clients et les touristes. Il intervient, reformule les positions, mais n`apporte pas grand chose au débat. Parfois, il lui arrive même d`imaginer des typologies des "non manifestants au Pèrou". Il les énoncera sur son blog.

12 août 2013

Chapitre 9: Un weekend d´évasion

C´est au bord d´un rond point que commence cette histoire. Le plus important de Nazca, celui oú toutes les voitures forment un manège permanent, et la poussière y circule sans visa (comme moi, pour l´instant).

Je décide de prendre mon petit déjeuner en bord de rond point, dans un "restaurant". Loin des normes hygiéniques et sanitaires, je fais passer un examen á mon estomac. Ça sera un café et un chicharon de porc, le tout pour 12 soles. De toute façon, rien d´autre n´est proposé dans ce "restaurant". C est dans un décors poussiéreux et sous le charme mélodieux des pots d´echapement usés que je constate que la "cuisine" du "restaurant" se compose d´une plaque chauffante, de quelques casseroles et... voila. Ma table est en plastique, ma chaise aussi. Le papier hygiénique surplombe le tout, en substitut idéal d´une serviette de table. Mon estomac se concentre, j´espere qu´il a révisé...   

Le ventre rempli, me voila parti dans un van, avec quelques amis, en direction de la petite ville de Chala. Nous voila sur la route qui mène á Arequipa; celle qui longe la cote sud, la fameuse Panamericana. Entre désert et océan, je me sens, pour la première fois, en vacances au Pérou. 

Après deux heures de route, Chala s´offre á nous comme une ville-escale. Peu de gens s´y attardent. Seuls quelques touristes font une halte, avant de reprendre la route vers Arequipa. Chala est une petite ville construite le long de la Panamericana. Dépendante de cet axe routier, l´urbanisation et le développement de toute la ville se concentrent autour de cette route, et s´étire le long de celle-ci. La ville semble davantage bercée par les flux routiers que par l´océan qui vient au contact de ses terres. Néanmoins, certaines petites embarcations quittent le petit port et s´en vont défier un océan qui semble ironiser son nom. Si Magellan avait attendu de nommer cet océan en débarquant un soir d´hiver á Chala, celui-ci ne porterait probablement pas le nom de Pacifique. Les vagues sont réveillées et un vent glacial claque les visages déjà froids. 

Une balade sur la plage de Chala met en évidence quelques contrastes. D´abord celui d´une plage assez peu entretenue, parfois bordée de poubelles et de bouteilles plastiques. Peu de maison ont la vue sur l´océan, comme si les habitants souhaitaient s´en détourner. Construites sur les hauteurs de la plage, les maisons sont posées telles de petites cartes sur un sol friable. Le simple fait de savoir que le Sud du Pérou est une zone très sismique laisse anticiper le pire des scénarii.  Mais le calme plane sur la plage de Chala et une longue promenade dans le sable froid reste une source de bien-être et de résurrection. Une plage en hiver s´est un peu comme la montagne en été. Aux antipodes de la conscience de la masse, et donc un lieu calme et ressourçant. 

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Promenade sur la plage de Chala.

Après une rapide visite dans les roches de Puerto Inca, toujours face á un océan qui ne se laisse pas regarder et face un vent venu en défi, nous regagnions Chala pour une petite soirée dans la seule discothèque de la ville. Le comptoir laisse entrevoir la consommation d´alcool des fêtards locaux. Sur le comptoir comprenant quatre étages, une trentaine de bouteille se font concurrence. Difficile de faire mon choix, les trente sont les mêmes! Cette discothèque n´offre qu´un seul type de bière ...et de l´eau (á vérifier). La nuit ne fut pas longue, la fatigue étant trop présente. Je vais me coucher. Je constate que ni le chicharon ni la bière n´ont eu raison de mon estomac. Sous le bruit des vagues et surtout du moteur fournissant l´electricité de l´immeuble, je m´endors rapidement.   

A la suite d´un petit déjeuner local pris dans la rue,  á base de café, sandwich au poulet et jus de papaye, nous voici de nouveau de le van, cette fois en direction du Nord. Nazca, puis Ica et enfin la petite oasis de Huacachina. Loin de s´isolement de Chala, je trouve á Huacachina un des éléments les plus visibles de la mondialisation au Pérou: le tourisme. 

Huacachina était surement un havre de paix au milieu du désert bordant la ville d´Ica. Elle est désormais le lieu de rendez-vous des touristes internationaux faisant une escale, ou un petit détour avant d´attaquer la route de Nazca ou celle de Cuzco. 
Huacachina a été aménagée pour le bonheur des touristes et des portefeuilles du business local. On vous propose des tours en buggies dans les dunes, de descendre celles-ci en sunboard et de manger du chicharon, mais pour 25 soles! Lieu d´amusement et de consommation, Huacachina semble s´etre construit une identité internationale loin de tous les standards locaux. On y parle davantage l´anglais que l´espagnol, par exemple. Aussi, les prix sont très supérieurs á la moyenne nationale.
Les voyageurs n´y passent  que quelques jours, et racontent assez facilement leur voyage actuel, voire leurs voyages antérieurs. On peut trouver un interlocuteur qui connaît les restaurants de Chiang Mai, les plages aux alentours de Fortaleza, les bars de Berlin ou le centre de Buenos Aires.  On trouve des gens qui visitent l´Amérique du Sud en première classe, mais aussi des baroudeurs au voyage non-planifié ne possédant pas encore de billet de retour. Proche des standards du tourisme de masse, Huacachina représente assez bien le développement du tourisme au Pérou.

Reste que, sur le chemin du retour, j´ai compris que je me sentais davantage chez moi dans mon petit bidonville de Nueva Villa, sur les hauteurs de Nazca. 

1 août 2013

Chapitre 8: Toujours en vie, toujours envie...

Hola amigos! Hier en me rendant dans une boutique de téléphonie mobile, on m´a demandé mon document d´identité. J´ai sorti mon passeport de troubadour...Et j´ai vu le tampon de la douane locale, daté du 26 juin 2013. J´ai donc bien passé 1 mois au Pérou. C´est l´heure d´un rapide bilan. Par contre, j´aimerai ici dévoiler une image "réaliste" du Pérou, c´est pourquoi je ne peindrai pas une vision totalement idyllique de ce pays (que j´aime tant). Pour la vision idyllique, je vous laisse vous référez aux carnets de voyages de certains voyageurs furtifs.

La première chose á dire c´est que j´ai désormais une petite routine bien installée. Mais celle-ci est assez éloignée du "métro, boulot, dodo" parisien. Malgré tout, au milieu de ma routine, certains éléments de mon quotidien continuent de me choquer...Souvent en bien, parfois en moins bien. Voici, pêle-mêle, quelques caractéristiques qui, en dépit de leurs intervention quotidienne dans ma vie, me surprennent toujours.

La gentillesse des gens de Nazca reste un des "détails" des plus agréables. Le calme des esprits et la tranquillité du mode de vie représentent un des éléments les plus sympa, surtout pour moi, français natif de la région parisienne, donc stressé, ainsi que pour ma ponctualité suédoise aux antipodes des règles péruviennes. 

J´apprécie mes escapades quotidiennes en "colectivo", ces taxis économiques qui me permettent de me rendre au centre-ville pour la modique somme d´un sol. En même temps, je constate á bord, l´engouement des jeunes péruviens pour des chansons sentimentales dont le contenu atteint vulgairement la sensibilité d´une telenovela locale. Parfois, il m´arrive de m´intégrer et de chanter "Lejos de ti" ou "Volvi a nacer" comme un latin-lover foireux. Le colectivo, en dépit de la qualité du service privé informel fourni, met aussi en lumière une des failles saillantes des politiques de développement de Nazca...l´absence totale de services publics de transports intra-communaux. 

Malgré mon adaptation ici, je ne peux m´empécher de convertir, dans ma tete, tous mes achats en euros. Cela me permet aussi de comprendre et d´apprécier la superpuissance de mon pouvoir d´achat ici, même avec un salaire avoisinant les 500euros. D´un autre coté, cette situation qui m´est favorable dévoile un niveau de vie relativement bas ici. La pauvreté continue de gangrener de nombreux pans de la société péruvienne. Pour l´instant ce sont surtout les inégalités territoriales qui me choquent. D´une province á l´autre, d´une ville á la suivante, du centre-ville á la périphérie, on passe très souvent d´un pays émergent très dynamique á un pays en développement lacéré par la pauvreté et où la misère est courante, á l´inverse de l´eau. 

Aussi, j´essaie de lire très régulièrement le journal national. Apres plusieurs essais et de nombreux ratés, j´ai opté pour El Comercio. Je dois dire que c´est assez jouissif de lire des articles du type: "L´économie péruvienne devrait croître de 6,5% en 2013". Les gens á la recherche de croissance économique en Amérique du Sud peuvent se tourner du Brésil vers le Pérou ou le Chili. Néanmoins, la forte dépendance de ces deux pays envers les produits miniers (cuivre, or) rappellent la fragilité et l´instabilité de ces régimes de croissance. De plus, les programmes sociaux sont largement financés par les recettes tirées des ressources naturelles. Comme dans de nombreux pays d´Amerique du Sud, le Pérou est encré á gauche (voir la notion de "pink tide" développée, par exemple, dans le dernier ouvrage de Gian Luca Gardini) , mais finance les aspects les plus "de gauche" par les recettes tirées des matières premières.

Sous cet angle, le récent discours de la présidente brésilienne Dilma, proposant financer une partie de l´investissement de l´Etat dans l´education via les royalties venant du secteur pétrolier prend un sens assez banal. De même que je me demande comment les écolo peuvent apprécier Evo Morales, sauf á fermer les yeux sur l´expansion du secteur des hydrocarbures en Bolivie, ou á accepter une contradiction idéologique. J´ai prévu un petit tour en Bolivie un de ces quatre...Je vous en dirai un peu plus.
Parmi les notions qui caractérisent le mieux cette forme d´Etat, fort, de gauche et (car) grand exploitant des ressources naturelles du pays; sont les notions de "neoextractivismo" et "d´Estado compensador" développées par le chercheur urugayen Eduardo Gudynas,  voir ici et ici

L´Amérique du Sud est compliquée donc passionnante. Toutefois, je commence á largement douter des gens se prétendant "spécialistes de l Amérique du Sud". Si déjà j arrivais á trouver un VRAI spécialiste du Brésil ou de l´Argentine, le chemin serait bien avancé. Jusqu´á nouvel ordre, je classe donc ces gens se prétendant spécialistes du continent dans la case comprenant Cahuzac, Sarkozy et Pinocchio. 

Au fait, je vous ai écrit que je m´étais aperçu de ma durée sur le territoire péruvien grâce á mon passeport dans un magasin de téléphonie mobile. Je n´ai pas pu prendre un abonnement pour mon portable. Tout cela car, mon numéro de passeport ne rentrait (évidemment) pas dans les cases du document d´identité péruvien. 
A tout les amoureux de l´Amérique du Sud: vous avez raison, ce continent est merveilleux. MAIS!! Pour nuancer la chose, je vous propose de faire, par exemple, une demande de CPF au Brésil, ou encore de DNI au Pérou. C´est équivalent au nettoyage des Écuries d'Augias, version latino! L´administration publique est sans doute un des aspects les plus inefficaces ici. Pas au cause des fonctionnaires, mais á cause d´un système datant des dictatures respectives...plus rigide qu´un français dançant la salsa. D´ailleurs si l´on vous demande, au coin d´une rue, si vous ne connaîtriez pas un spécialiste de la Mairie de Vista Alegre, contactez moi. J´ai dú "visiter" presque tous les bureaux, on m´y a donné des rendez-vous.... aux heures de fermeture! Et on ma également dit: "Pour votre papier il faut voir le maire, mais le maire n´est pas souvent á la mairie!".

Enfin, j´ai eu la chance de vivre le weekend des fetes nationales. Ici le nationalisme est (ultra)-poussé. La fierté d´etre péruvien se lit sur beaucoup de lèvres. Parfois, l´hymne national retentit sur les radios locales, peut importe le jour, peut importe l´heure. Ce qui est étonnant pour moi, c´est de voir ce nationalisme en majorité de gauche, saupoudré d´un discours du président Humala, ancien militaire et (mais!) homme de gauche aussi. Enfin, je conclurai sur une anecdote pour conclure sur le nationalisme péruvien sans toucher á la sphère politique. Hier, on m´a dit: "La cuisine péruvienne est une des meilleures du monde. Par exemple, le poulet braisé c´est typiquement péruvien". Je pourrai déclencher une guerre entre le Pérou, et toute l´Asie du Sud-Est ainsi que toute l´Afrique de l´Ouest avec ces propos! Comptez sur moi pour aller expliquer á mes amis ivoiriens que le "poulet bicyclette" est un vol á la propriété péruvienne. ;)


 

 

22 juillet 2013

Chapitre 7: J´ai reçu un mail de Pole Emploi

Chers amis, c est avec honneur et une forte condescendance que je vous annonce que mon compte chez Pole Emploi vient d etre suspendu. Je suis radié et surtout radieux. Aujourd´hui je suis officielement écarté du banc de touche de la selection nationale, cette armée de reserve cherchant tant bien que mal de trouver une place de titulaire, ou encore de rentrer en cours de jeu, meme avec un petit CDD de quelques mois. Mais, il y a déja trop de joueurs sur le terrain, on joue au ralenti, et le coatch passe son temps á matter la coatch allemande...puis c est angoissant de faire rentrer les jeunes. Pendant ce temps le président du club habite Bruxelles, il compte ses centimes et n´est pas venu voir un match depuis des décennies. 

Avant le Pérou, j´ai passé 34 semaines, soit 238 jours á la recherche d´un emploi. Avec un Bac+5 ça fait du 47,6 jours de chomage par année d´études, un score plutot dans la moyenne nationale. En recevant ce mail depuis Nazca, je ne peux m´empecher de repenser á toutes ces semaines de galere, d´espoir, de deception, de stress...avec une sortie du tunnel qui se profile chaque jour au lendemain. Petite pensée á ceux qui y sont encore. 

Je ne suis pas (plus) á plaindre. J´ai un boulot et á l´heure actuelle je mets au point des examens de langues étrangeres pour quatre classes. Les examens auront lieu á la fin de la semaine, dans ma petite école, sur la route sableuse qui longe l´interieur du bidonville de Nueva Villa. Faut bien évaluer la progression. Déja, j´ai placé les exams avant les vacances, ce qui fait de moi un excellent prof! D´ailleurs, dans toute ma finesse, je peux déja vous garantir une chose:  les examens ne s´intituleront plus "Mes souvenirs", mais..."Examen". Faut pas déconner! 

J´ai la pédagogie d´un conseiller Pole Emploi. Je veux bien écouter les problemes et les critiques, je veux bien lire les doléances, éxaminer l´univers des possibles, mettre en place une stratégie...Mais, á un moment donné je ne suis qu´un pion d´un systeme qui m´a formaté. Il faut appeler un lama un lama. Un refus d´emploi ne s´intitule pas "Dommage, cherche encore", et si une interro est un souvenir, rien ne garantit qu´il en soit un idyllique. Donc autant appeler cela un Examen, un controle, un partiel, un DS, un test, une intéro....La langue est riche de nuances, pas toujours de sens. Au défaut, je suis plutot nuancé. 

Les gens du corps enseignant sont humains, palpables et ont une vie des plus ordinnaires...meme au Pérou! La principale difference avec le "commun des mortels", c´est qu´ils vieillisent dans l´institution oú ils ont grandi. Oui, un peu comme nos confreres centenaires avec les couches culottes, sauf que ça dure beaucoup plus longtemps! Ou pour citer Claude Levis-Strauss dans Triste Tropiques:
 "Le professorat n´est-il pas le seul moyen offert aux adultes pour leur permettre de deumeurer á l´ecole" (p. 56). J´ajoute que "deumeurer" prend comme terminaison "ER", dans ce cas.

Comme beaucoup de pays, la France a mené, et mene toujours, une politique éducative déconnectée de la politique d´emploi. Des lors, l´école et Pole Emploi, ne sont souvent séparés que par le vecteur temps. J´ai eu la chance de passer de l´un á l´autre, puis de l´autre á l´un. Mais Pole Emploi me guete toujours, comme un vieux voisin inintéressant a qui l´on doit rendre visite de temps en temps.

En attendant, je vous laisse car j´ai vraiment des exams á préparer. En plus j´ai perdu du temps ce matin, car j´ai commencé les procédures pour mon visa...Je doit retourner á la mairie de Vista Alegre demain...Je vous raconterai la bureaucratie péruvienne...c´est au moins aussi comique que Pole Emploi!

17 juillet 2013

Chapitre 6: Vamos a la...plagiat

Ma premiere réunion parents-prof s´est bien passée...Enfin, je crois. 
Néanmoins, j´ai été assez décu de la tournure individualiste de l´évenement. Je m´attendais á recevoir une tonne de questions sur le niveau géneral des classes, les programmes, ou encore les niveaux espérés á la suite de ceux-ci. Plutot, chaque parent s´est interessé á savoir comment se comportait son enfant, ses études, voire á connaitre mon point de vue sur le niveau cognitif de leur descendance. "Mais non, je vous assure, votre enfant n´est pas débile!". 

J´ai souvent eu l´impression d´etre Guy Forget face á ses joueurs. En fin de compte, le programme n´importe peu, la progression génerale non plus...tant que le niveau individuel de chacun progresse! J´ai laissé mon holisme sur le bord du tableau. 

De plus, mon manque d´experience m´a interdit de dresser tout constat avancé. Aussi, je connais les enfants depuis moins de trois semaines! Face aux questions, je me suis contenté d´exprimer á l´oral ce que mes anciens profs avaient tendance d´écrire dans mes bulletins..."AB. Mais attention au comportement" ou encore: "Bien. Les efforts doivent etre poursuivis".
Collegien, j´avais souvent admiré mes profs pour ce genre de phrases. Résumer un trimestre en une phrase, ou l´apotéose de la synthése. De plus, ces phrases étaient capables d´influer sur toute la vie familliale. 
Evidemment, avec le temps, je m´étais appercu du manque de créativité que comportaient ces remarques. De plus, leurs répétitions s´apparentaient á un plagiat des plus intenable. Elles revenaient comme une mauvaise pub; comme une vague pleine d´algues dans la figure; comme ces mauvaises blagues Carembar. 


Je vous synthétise donc ma premiere réunion parent-prof: Je n´ai pas eu d´autre choix que de faire du blabla Carembar. J´espere renouveller le stock via l ´acumulation d´experience, de notes (les examens ont lieu une fois par mois, donc j´ai encore aucune note!) et de connaissance des jeunes. 


En ce moment, je passe beaucoup d´apres-midi á l´aide aux devoirs avec les jeunes du centre. Je m´occupe surtout des plus agés. Dans beaucoup de matieres, j´apprends avec eux. On fait de la Comunicacíon (comprenez "Espagnol"), de l´Histoire du Pérou, de la Bio, des Maths... Le niveau de maths des jeunes péruviens est assez délirant. Les jeunes dont je m´occupe n´ont pas de calculatrice et savent tout faire á la main. Il y a meme une jeune de 10 ans qui connait sa table de...14! On divise avec ou sans virgules, on multiplie, on fractionne et on résout des systemes d´équation á trois inconnues. Souvent j´adapte les exos. Les "x" deviennent le prix du transfert de Cristiano Ronaldo, le "y" son poids, et le "z" son nombre de buts... Ca marche mieux! Je peux faire pareil avec le prix du billet d´un concert de Beyonce. 
On finit l´aide aux devoirs par un jeu de l´Oie géant que je dessine maladroitement sur le tableau. Je forme des équipes de deux ou trois. Puis je fais mon Julien Lepers. Histoire Inca, Géographie du Pérou et mondiale, personnes célebres, calcul mental, sport, anglais, littérature...
En littérature (sud américaine hispanophone ) je suis nul! Du coup, je me suis procurré dans la (seule!) librairie de Nazca les principales oeuvres de Mario Vargas Llosa et Gabriel Garcia Marquez. J´ai aussi dans ma chambre: le livre d´Histoire (du Péru) du niveau lycée, une carte du pays et meme des themes relatifs aux programmes de maths du niveau lycée. J´apprends souvent plus que je n´enseigne!
En francais actuel, les verbes "enseigner" et "apprendre" sont parfois utilisés (maladroitement) en tant que synonymes ("je vais t´apprendre quelque chose")... pour ma part, c´est exactement mon boulot ici! Ils ne sont pas forcement synonymes, mais ils sont completement dépendants. J´enseigne donc j´apprends; J´ai appris (et j´apprends toujours) donc j´enseigne. 

Evidemment, mon espace de culture s´efface souvent durant les weekends, sans jamais s´etteindre. Le weekend dernier je suis allé, avec des amis, dans la petite ville portuaire de Marcona. Apres une heure de van, j´ai découvert ce petit bout du monde, comme une petite ville perdue au bout de la route. Elle semble survivre, face aux assauts de l´océan. J´ai ainsi pu découvrir les paysages de cette ville semi-portuaire, semi-miniere, ces habitants, sa nourriture, ses discotheques déjantées comme des soirées de pirates échoués, ses cocktails á base de Pisco, son "tamal" qui rempli le ventre en sortant de soirée...et ses lendemains difficiles qui paraissent plus vivables lorsqu´on les passe sur une plage, les yeux dans le vide, face au Pacifique. 

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11 juillet 2013

Chapitre 5: El dia del Maestro

Vendredi dernier, aprés avoir terminé mon travail du matin, j´ai été appelé pour participer au Jour du Prof (Dia del Maestro) , jour officiel de reconnaissance pour le corps enseignant au Pérou...
Avant de m´y rendre, on me fait savoir que deux parents veulent me voir. Je stresse un peu, me disant que j´ai (déja) fait une connerie! Hé non! Ils sont simplement venus me donner un petit porte-monnaie en cuire. Un cadeau! Ouf! 

Je me rends -avec le corps enseignant de l´ecole oú je travaille- dans une grande salle oú une grosse centaine de profs s´enttassent. J´ai vraiment l´impression de faire tache...Je suis le plus jeune de la salle, je suis un gringo, et je suis surtout un mec! J´ai l´impression d´etre le suedois dans un "Qui Est-Ce" sénégalais. Pire, je galere un peu á suivre les longs discours en espagnol sur l´évolution du systeme éducatif peruvien...Encore pire lorsque vient l´heure de chanter l´hymne du professeur...Que je ne connais evidemment pas! A la gloire de nos plus grands chanteurs, je fais du play-back.

Une fois les discours terminés et un verre de vin local offert, nous nous sommes rendu dans un autre lieu, afin de célébrer ce jour tant spécial. Au programme: Loterie géante, entrecoupée d´un repas, de nombreuses danses, et de littres de biere que le serveur me ramene de maniere continue.
J´ai toujours trouvé le principe de la loterie débile. Alors que je me demandais quand avait été inventée la loterie, et par qui...Baaa, Le 918 c´est mon numéro!! Je dois aller chercher mon prix sur la scene. C´est un blender. Lá je suis sur la scene, face á une armée de prof, dont le profil type est: péruvienne, institutrice, 40ans, 2 enfants, danseuse confirmée de salsa. Alors que le présentateur me donne mon blender il me pose des questions: Mon nom, d´oú je viens, et...célibataire oú marrié?! Bref, l´affiche. Les institutrices de Nazca en savent plus sur ma vie sentimentale que mes parents!

Apres cela, la cérémonie a continué par de nombreuses danses et un débit de litre de biere assez contrasté dans ce climat aride de Nazca. Probleme n#1: Je ne suis pas bon danseur de salsa, surtout par rapport au peruviens. Probleme n#2: J´aime bien la biere, surtout par rapport aux peruviens. En fait, les peruviennes ne boivent pas la biere. Plutot, elles se versent un fond de biere et l´avalent comme un shooter de vodka! Personnellement, je rempli mes verres á ras bord, histoire de garder mes habitudes. Aucun probleme d´hydratation á l´horizon.

A un moment, je me rends compte que la situation est assez exceptionnelle: Je suis sur la piste de danse, une bouteille de biere á la main, en train d´executer mes quelques restes de mouvements de salsa, face á une prof péruvienne, de 20 ans mon ainée...et il est 4h de l´aprem! J´essaie d´expliquer aux gens que je ne sais pas danser la salsa...et que les seuls cours de salsa que j´ai pris etaient des cours gratuits, que je suivaient en Suede, pays de la salsa par excellence...et mon prof etait Serbe!!
Je me calme sur la boisson. Je ne sais pas si c´est le plus beau métier du monde, mais aujourd´hui, je ne ferai pas mon Depardieu. Je passe á l´eau de source..Les autres prof continuent. Ca danse, ca boit, ca rigole...J´ai l´impression d´etre á une soirée du foot.

Il est 18 heures, je rentre chez moi avec mon blender tout neuf, quelques nouveaux mouvements de danse et un sentiment magnifique: Dans ma vie, j´aurai vécu le Dia del Maestro au Pérou.    

C´était une tres bonne facon de commencer mon weekend. Celui-ci s´est ensuite poursuivi par une soirée dans une discotheque de Nazca et un dimanche repos au bord d´une piscine avec la vue sur les montagnes sableuses qui entourent la ville. 

Je vous détaillerai bien mon weekend, mais...lá j ´ai une réunion parents-prof dans quelques minutes! 
Je vous expliquerai comme se passe une réunion parents-prof, au Perou, quand le prof est un francais de 24 ans...et qu´il n´est pas officiellement un prof!

4 juillet 2013

Chapitre 4: Une semaine au Pérou!

Il y a sept jours, j´atterrissais à l´aéroport international de Lima. Sept jours plus tard, j´ai l´impression d´appartenir un peu à ce pays. J´ai un nouveau chez moi, un nouveau travail, quelques nouveaux amis et trouvé pas mal de nouvelles habitudes.

Mon nouveau chez moi, c´est une espèce de colloc. L´auberge espagnole...façon Pérou. On vit dans une petite maison blanche (la casa blanca!). Tout s´organise autour d´un patio central. A part ma chambre perso, je partage tout le reste. On vit à 6 dans la casa blanca. Trois français, deux italiennes et une belge. On parle beaucoup en espagnol...parfois, meme entre français! Je pourrai écrire que je suis le seul mec et que vivre avec des nanas c´est un peu dingue...Mais ce ne serait pas trés interessant. Plus le temps passe, et plus je me dit qu´on a les memes conversations. Les sujets sont souvent les memes (on a meme parlé de la finale de la Coupe de Confédérations...bon, mon plus beau monologue!). Par contre, la forme diffère souvent. Je me tient à carreaux, histoire de ne pas me faire engueuler à 5 contre 1. Au delà de cela, dans la colloc...tout le monde a un Master 2, tout le monde parle au moins 3 langues et tout le monde a vécu à l ´ètranger au moins 2 fois. Un peu surréaliste à Nazca...où il n`y a pas d´université! On parle beaucoup d´Europe, de la crise actuelle, des illusions de la "génération Erasmus", du chomage des jeunes...de ce continent qui a formé ses jeunes sur son sol, sans leurs garantir d´y travailler. Mais aussi du fait que les mieux formés tombent sur les emplois initialement faits pour des gens moins formés..et que du coup les moins formés se retrouvent souvent sans rien. Donc, au milieu de nos complaintes, nous savons aussi que nous sommes des privilégiés. On a un boulot, on acquiert beaucoup d´expérience ici, et on apprend à parler une autre langue et à comprendre une autre culture.

Mon nouveau boulot, lui, se concentre dans l´ONG et son centre de langues. J´ai un emploi du temps de malien! C´est à dire: je commence très tot, je finis très tard...mais j´ai pas mal de pauses! Le matin, je suis oppérationnel à 7h. Le matin, je travaille dans l´école Nuestra Señora de la Salette. C´est une école spécialisée dans les langues étrangères. Les locaux feraient manifester les syndicats de l´Education Nationale. Malgré tout, c´est une des meilleures écoles de la ville de Nazca. On se débrouillent bien, entre les travailleurs de l´ONG et les enseignantes péruviennes. Y a pas de machine à caffé, pas de salle de prof, une bibilothèque plus petite que la cuisine, seulement 2 ordinateurs (innutilisables) pour tous les élèves. L´annèe derniére, il est arrivé souvent que les élèves ne viennent pas en cours, à cause de la grève des mineurs. Car ici, beaucoup de gens travaillent dans les mines de cuivre et d´or de la région (principal moteur de l´economie de Nasza...et non pas le tourisme comme beaucoup de touristes croient!). Bref, la pauvreté et les inégalités sont le lot du quotidient. Au milieu de cela, on tente de donner la meilleure scolarité aux enfants.

Pour y revenir, le fait de commencer ma journèe avec des enfants, me permet de ne boire plus qu´un seul café le matin. Ca réveille!
L´après-midi, je vais souvent aider des ados du centre à l´aide aux devoirs. Sauf que je me suis rendu compte que je ne savais plus résoudre une équation sans utiliser une calculatrice! Je ne connais rien de l´organisation sociale des civilisations prè-incas. Je ne sais pas conjuguer le subjonctif imparfait en espagnol. Puis je ne sais pas dessiner un pancréas! En fait, j´ai un BAC+5, mais je n´ai pas le niveau 3ème ici!  Je vais bosser! C´est passionnant de devoir apprendre l´Histoire d´un autre pays. N´importe quel intellectuel gagnerait á suivre 1heure de cours d´Histoire du Pérou, niveau collège. J´écrirai surement un prochain post sur ce sujet...
Le soir je travaille dans le centre de langues. Je donne des cours à des adultes. C´est trés sympa comme boulot.


Lá, je suis en pause. Je suis déscendu en ville avec un "colectivo" (un taxi informel, dont la course coute 1sol). J ai acheté le journal. Ca me permet d´ameliorer mon espagnol et de comprendre un peu mieux ce pays. Par contre, j´ai acheté trois fois le journal...Une fois un journal de droite, un autre de gauche, et un autre d´extrème gauche. Je crois que le vendeur me prend pour un imbécile. C´est pas grave! Je fais toujours ça à l´étranger. Dans quelques mois, j´aurai une vision globale du spectre politique péruvien!

Sinon, dans mon ptit bidonville de Nueva Villa, j´ai trouvé ce matin une connexion Wifi que je squate! Sachant que très peu de gens ont l´electricité dans ce quartier, je me demande d´oú vient la connexion. Parfois le développement dépasse des limites assez dingues...

En ville, j´ai déja mes QG. Mon resto préférré tenu par un ancien DJ spécialiste de bachata. Il connait toutes les bonnes soirées de Nazca...Puis sa cuisine est super bonne. Niveau transit intestinal je me porte bien...quand on a mangé dans les rues d´Abidjan on peut tout supporter, non? Peut-etre que je ferai moins le beau dans quelques semaines! En ville j´ai aussi mon endroit favori pour boire un jus de mangue/papaye; mon magasin adoré pour recharger mon portable ; ma vendeuse de fringue préférée, "mon" bar , et "mon" cyber-café! J´ai trouvé un cyber assez ouf...Le seul qui ne joue pas du reggaeton à fond! Ici, la patronne écoute Ivette Sangalo, Bruno e Marrone et plein d´autres chanteurs brésiliens. C´est mon dernier repére dans la langue de Machado de Assis. Le brin de mélodie qui me lie à l´autre coté du continent.

Donc en résumé: Aprés une semaine à Nazca, je me sens un peu Nazqueño...Et au moins, maintenant vous savez comment s´appellent les habitants de Nazca!

28 juin 2013

Chapitre 3: Sur la route du boulot

Hier j`ai quittè Lima à l`aube. La taille de cette ville est impressionante.  Un tier de la population du Pérou y vit. Même si Lima n`a rien d`attachant au premier abord, il va falloir que j`y revienne, afin de comprendre comment fonctionnne le poumon èconomìque du pays. Peut-être qu`elle me parraitra alors plus attachante.


Le bus pour Nazca est faiblement rempli. Principalement par des touristes. La plupart sont italiens. J´ai beau leurs dire que j´ai joué á l´ASIEG á Grenoble, c´est pas suffisant pour discuter. Au fil des kilomètres, le paysage devient de plus en plus aride et les villages de plus en plus traditionnels. On traverse des petites bourgades dans lesquelles de nombreuses personnes attendent au bord de la route. Ils semblent attendre un bus qui viendra dans plusieurs jours.

Dans le bus le service est très bon. On me propose de me raffraichir avec un Coca Cola ou un Inca-Cola. Je choisis le moins mondialisè et le plus pérouvien...en espérant trouver une nouvelle saveur. A la première gorgée, un souvenir des Antilles me vient tout de suite. Pour les connaisseurs de fraicheurs des Caraïbes, le Inca-Cola, c´est du Royal Soda Kampane!!! Je vous laisse chercher qui a volé la recette á qui.

Sous mes yeux, les nuages se dissipent, laissant place à un début de rayon de soleil. Dans le même moment le paysage devient semi-désertique. En atteignant la ville d´Ica le soleil cogne et le climat est totalement désertique. Sur les murs on lit des messages, souvent á teneur politique. "Viva la revolucion!" ; "Peru libre" ; ou encore un étonnant "hambre cero" (faim zéro) qui me rappelle immanquablement le célebre programme de nutrition mis en place par le PT au Brésil ("fome zero").

Le paysage se vide de presque toute marque d`humanité. Hormis le petit fil electrique qui longe la route, aucun signe de dèveloppement, aucune marque humaine. Parfois au milieu du désert, une oasis de verdure prend ses droits. Je vous admets qu´il n´est pas evident de se dire que je suis sur la route du boulot!

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Aprés 7 heures de trajet nous atteignons Nazca. A la sortie du bus, personne ne m´attends. Je me demerde pour aller jusqu´a l´ONG. Je nègocie avec un taxi. En terme de négociation, j´ai été assez bien brieffé en Afrique. Et à l´image d´un ivoirien en affaires, je lui montre toutes les petites failles de son taxi en rigolant. Le prix de la course baisse. A 3sols, je monte. Vamos!

J ´ai été acceuilli superbement par les employés, les volontaires et surtout les enfants. L´un d´entre eux fêtait son anniversire. Je prete mon appareil photo à l´un des jeunes, content de devenir le photograhe du groupe. La plupart des photos sont floues. Qu´importe. On a mangè du gateau en discutant. J´ai été bombardé de questions. Ici tout le monde m´appelle Tio" (tonton). 

Pour digérer, on a joué au foot! Il y a un "terrain", avec un "ballon" et des "cages". Le terrain est poussiereux et quelques pierres ont pris possession de notre petit Maracana. Les bords du terrain sont délimités par des pierres...Oubliez tous vos débordements le long de la ligne de touche! Le ballon est...rond. C´est deja ça. Les cages sont en bois et tiennent avec du fil de fer.

Parfois, en plein match je me surprends á regarder le paysage. C´est moi ou....Oui, je suis bien en train de tapper un foot sur le plateau du bidonville de Nueva Villa, surplombant un paysage extraordinaire de désert et de montagne. Merde, je me suis fais prendre le ballon par un gosse! C est pas simple de jouer avec des jeunes de 10-15 ans. J´ai peur de leurs faire mal. Par contre je vais recupérer ce ballon! Histoire de montrer que je ne suis pas une brèle totale au regard du sport national. C´est bon, le match se termine en meme temps que la nuit commence. Et aprés le match, j´ai un peu de légitimité devant les enfants du centre.

La nuit tombe sur Nazca. Je retourne dans ma chambre. Elle est beaucoup trop grande pour moi. La température chutte. On discute entre travailleurs du centre. Mais les yeux se ferment. Le cerveau retourne dans ma langue natale. C´est ma première nuit dans ma nouvelle maison.

Sinon, ce matin j´ai fait le tour des classes de primaire. Mais ça je vous le raconterai une autre fois!

 

27 juin 2013

Chapitre 2: Lima, le centro.

Après 6 heures de TGV, 2h d´attente à Bruxelles, 2h de vol, 5h d´attente à Madrid et 12h de vol...Je suis arrivé à Lima!

Je ne vais pas vous mentir, je suis creuvé! Mais je ne peux pas dormir. Je n´ai que 24 heures à Lima, je me dois de découvrir à fond.

Plus je marche dans cette ville, plus je me rends compte que je ne connais rien. De mètre en mètre Lima se dévoile à moi. Et l´inverse n´est pas totalement faux.
Embuée dans une mer continue de nuages, Lima a un climat plus proche de Bruxelles que de Rio. Ce climat est caractéristique de l´hiver sur la capitale du Pérou. Il fait presque froid. Je me balade en pull. Certains ont des manteaux. Lima est sous les tropiques, mais n´est pas tropicale.

De l´aéroport, me voila dans le ``centro´´. Dans le centro, les rues sont propres et ont y marche sans se faire interpeller. J´ai même l´impression que chacun fait sa vie et que le passage d´un gringo n´a aucune incidence. C´est cool! Ici les gens sont en moyenne de petite taille et de sourire très large. Je vais me sentir bien dans ce bled!

L´architecture est plutot coloniale, tantot espagnole, tantot un poil anglo-saxonne. Dans le centro, les rues sont droites et se croisent souvent à 90 degrés. Les balcons de certaines maisons font penser aux bowindows britanniques. Je loge au bout d´une rue droite, organisée et propre. Les gens y marchent, mais on n´a pas l´impression qu´ils se dirigent vers un point précis. Je recroise parfois les mêmes qui tournent en rond. Comme moi, car je me perds vite.

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Il est assez simple d´imaginer que le centro de Lima n´est pas représentatif de toute la ville. Sur la route menant de l´aéroport au centro, la misère se fait sentir à qui accepte de la voir. La pollution rentre par les yeux. Pendant ce temps, le cerveau tente d´analyser le décor qui passe devant les pupilles fatiguées. Le traffic est lent, l´analyse plus simple.

Sur la route allant au centro, les embouteillages me rappellent Sao Paulo. Les t-shirts des vendeurs de bricoles aux feux rouges sont teintés de la couleur des gazs d´échappement. Le mode de conduite est lui plutot du style Bangkok. Les gens conduisent leurs voitures comme s´ils étaient à pieds dans une ruelle bondée de piétons. Ils zigzaguent, se frolent, se croisent vite...sans jamais se toucher! Parfois, je regrete que les klaxons n´aient qu´une seule tonalité. Dans le cas contraire, Lima aurait été mélodieuse.

En entrant dans le centro, les fonctionnaires et les hommes d'affaires passent de ministères en ministères. En marge, des vieilles perouviennes vendent des cacahuettes et autres friandiss, flanquées dans un recoin d´une rue, ou sur les paliers des rez-de-chaussée des maisons. Au carrefour de la rue, une policière tente de faire respecter l´ordre. L´anarchie l´emporte souvent sur la règle. Lima est héteroclite, comme me disait une amie ce midi.

Au fond de la rue siège mon hotel. Le genre d´endroit où l´on rencontre des énergumenes de la route. Certains ont fait le tour de l´Amérique du Sud...d´autres prétendent avoir fait le tour du monde. Personne ne l´a vraiment fait, mais beaucoup en restent persuadés. On parle beaucoup en anglais de nos voyages. Le trio gagnant d´ici est:Pérou-Bolivie-Chili. Je ne connais aucun des trois. Les voyageurs sont des vieilles bagnoles avec des kilomètres au compteur. Un peu ronchonnant à démarrer les discussions, mais très à l´aise une fois lancés. Mais les voyageurs ne sont que des chroniqueurs. Et le nombre de kilomètres parcourus n´est qu´une donnée quantitative...

Demain je voyagerai. Le bus qui m´amène à Nazca quitte Lima à 7h30. Pendant toute la matinée, on longera la côte. C´est dans ce genre de moment que je me dis que "faire le tour du monde" est possible...A condition de ne pas s´arreter!
Tampis, je ratterai plein de villes entre Lima et Nazca. Sauf que j´aurai surement l´occasion de revenir sur mes pas. Car demain à 15heures, j´atteindrai ma destination, ma future maison...pour les prochains 365 jours.

24 juin 2013

Chapitre 1/ Vamos!

Voici mon premier article sur ce blog : Entre Les Lignes.

Ici je vous raconterai ma petite vie au fin fond du Pérou. Dans les jours qui viennent je vais commencer mon travail, dans une ONG qui mène des projets de développement dans la ville de Nazca, à 500km au sud de Lima…A une bonne heure de route de l’océan, mais en plein désert.

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Pour ceux qui avaient suivi les chapitres de « Nouvelles d’un Toubab » lors de mon voyage en Afrique de l’Ouest : Oui, ceci est une suite. Une nouvelle aventure, et donc une nouvelle histoire. Parmi les différences avec l’Afrique, la principale est que, cette fois,  je ne suis pas seulement en train de voyager. Je pars m’installer pour un an dans un bidonville d’une petite ville du désert du sud péruvien.

 

Partir. Eviter la routine. En avoir une autre. Faire quelque chose de différent. Connaitre l’inconnu.

Non, ma valise n’est pas vraiment prête. Moi non plus. J’ai dû faire des concessions et des choix dans mes habits comme dans mes habitudes. Je sélectionne parmi mes costumes et mes coutumes.  Qu’est-ce que j’emporte avec moi? Qu’est-ce que je laisse en France?  Qu’est-ce qui est compatible?

On n’est jamais vraiment prêt à partir; à se retrouver dans un nouveau pays; à parler une autre langue; et à modifier son existence tout en cherchant une cohérence dans celle-ci.  En fait, on ne repart jamais de zéro. Mais on peut changer de vie. Certains repères restent, les autres se taisent et parfois s’effacent…Le problème c’est que là je ne sais pas lesquels!  Tant mieux.


Mon exode s’inscrit dans l’improvisation et la découverte. Il s’inscrit forcément dans la rupture. Celle du passage d’un statut de jeune européen diplômé sans emploi (pléonasme compte triple), à celui d’un jeune actif travaillant dans une ONG à 15000km de chez lui. Je poserai mes valises dans le bidonville de Nueva Villa. On découvrira…On improvisera.

Au long de mon périple, je tacherai de vous raconter ce qui se passe dans ma vie, dans ma tête, ainsi que les connexions entre les deux. Je vous donnerai des nouvelles, mais aussi mes points de vue et mes opinions sur un tas de sujets. Le choix des articles sera totalement personnel et arbitraire. Leurs traitements aussi. Mais j’essaierai d’être le plus « juste » possible afin de vous conter au mieux mon quotidien.

D’un autre coté, à l’image de l’adresse du blog, de nombreux sujets s’affranchiront des frontières. Mais même après plusieurs années d’études de la mondialisation, après avoir vécu en Suède, en Thaïlande et au Brésil ; et malgré l’apprentissage de 5 langues et de multiples voyages sur quatre continents, je ne maitrise que très très partiellement le fonctionnement du monde. J'essaierai de "connecter les points" comme disent les anglo-saxons...Tout en sachant que de nombreux points sont inconnectables.


Si voyager est un privilège dont j’ai conscience, je n’ai pas la prétention de vous dire que ma « nouvelle vie » est extraordinaire. Certes, elle peut être perçue comme extraordinaire au regard du contexte français, mais il n’empêche que dans mon prochain décor, je ne serai qu’un figurant. Le « gringo ». En d’autres termes : Ma vie c’est pas le Pérou ! Mais c’est le Pérou quand même!

Pour terminer, je m’explique sur le nom du blog : Entre les Lignes.

« Entre les lignes » car vous y êtes. Entre les lignes de mon écriture et de votre lecture. Ce blog est un petit partage entre l’écrit et l’esprit. Evidemment, je ne suis ni romancier, ni journaliste. J’écris moins bien. Du coup j’écris gratuitement!

« Entre les lignes » droites de nos atlas. Celles qui nous sépareront bientôt de quelques fuseaux horaires, mais aussi d’un hémisphère. D’ici et de là-bas, « Entre les lignes » se veut un carnet de route plein de fouillis au milieu des lignes droites.


« Entre les lignes » c’est aussi une référence à mon futur environnement. Celui d’une ONG menant des projets de développement axés sur la scolarité des jeunes les plus démunis. Ce blog s’inscrira par plusieurs aspects en référence au film  « Entre les murs ». Ici on parlera un peu d’école. Pas de celle de la République que nous avons  fréquenté. Mais plutôt de la scolarité des jeunes d’un bidonville reculé, d’une ville perdue au milieu du désert.


« Entre les lignes » c’est la géométrie mais surtout l’Histoire. A l’image de ma future ville, Nazca. Cette ville avec qui j’ai rendez-vous dans deux jours. Cette ville que je dois rencontrer, que je vais devoir apprendre à découvrir, à aimer, avec ses qualités et ses défauts, telle l’évolution des sentiments d’un mariage arrangé. C’est dans la ville de Nazca que figurent les fameuses « lignes de Nazca » qui datent d’une civilisation antérieure aux incas, disparue il y a des siècles. Observables seulement en prenant de la hauteur, certaines lignes se rejoignent, et forment des figures et des animaux. Je vous expliquerai... On marchera de temps en temps sur des ruines et on mettra la hauteur en perspective. Entre les lignes, se trouvent donc les maladresses, les non-dits, et surtout les mystères.

 

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Voilà pour ce premier post. Le seul écrit depuis l’Europe. Mes prochaines 38 heures se passeront entre les lignes…aériennes!

 Portez-vous bien ! On se voit au Pérou! Hasta luego amigos!

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