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8 novembre 2013

Chapitre 15: Quelle pauvreté? Quelle culture?

Dans l´ONG où je travaille, on accueille des enfants dans un centre (une Aldea). La plupart de ses enfants viennent de familles avec peu de ressources monétaires. Ils viennent dans la Aldea, ce qui leur permet d avoir accès à une scolarité normale, d´avoir un toit, un état de santé suivit, et une alimentation correcte. 

Pour la scolarité, il faut savoir que certains enfants sont arrivés dans la Aldea avec des retards importants. Certains on eu des trous dans leurs scolarités. Le premier palier à dépasser est celui de la lecture et de l´écriture. Cela parait banal, mais l´alphabétisation n´est pas une chose qui coule de source...un peu à l´image de l´acces en eau á Nazca. Le second palier commence en même temps que le premier. Il s´agit de savoir effectuer des opérations mathématiques de base. N´importe qu´elle boutique demande d´additionner des produits, n´importe quel atelier de mécanique demande de soustraire, n´importe quel carreleur doit savoir multiplier, et n´importe quel serveur de restaurant doit avoir une base connaissance de la division. En toile de fond de ses deux paliers, le développement de l´esprit de l´enfant, sa logique, son sens de la créativité, sa mémoire et toute les autres choses que l´école valorise sans fournir.

Les enfants de la Aldea s´en vont à l´école en uniforme, comme tous les élèves au Pérou. Sur leurs dos est floqué le nom de l´école José Carlos Mariategui. J´ai longtemps laissé ce nom guider nos marches dans le bidonville en allant vers l´école. Puis un jour, en lisant le programme de Science Sociale du 4em grade de Secondaire (niveau Première), je suis tombé sur ce bonhomme. L´école porte le nom du fondateur du Parti Communiste Péruvien (PCP). Parfois, alors que j´attends les enfants à la sortie de l´école, je lis le bouquin de Lenine sur l´imperialisme. Je me sens beaucoup trop à gauche avec mon bouquin de communiste sous le nez, dans une école au nom rouge.
Les enfants finissent à 13heures, puis retournent au centre. A nouveau les uniformes floqués traversent et flottent au gré du vent Paracas.

Le volet santé des enfants est assez compliqué surtout quand on n´est pas toubib! Selon certaines personnes, la petite taille de certains enfants serait due aux épisodes de sous-nutrition qu ils auraient vécu. D´un autre coté, la génétique pourrait expliquer cette caractéristique. En non-spécialiste, j´ose croire aux deux possibilités simultanées, sans savoir l´importance exacte de chacune. A l´inverse le lien entre l´alimentation et la santé m´a enseigné quelque chose que je ne pouvais pas imaginer sans venir ici. Même chez les jeunes qui ont soufferts de sous-nutrition, on peut trouver des cas d´anorexie. Dés lors, se mêlent à la nutrition et à la médecine, la psychologie, la psychanalyse, et malheureusement, le droit des enfants. Autant de thèmes que je maîtrise mal.  

C´est dans la Aldea, à l´heure du déjeuner que commence la discussion. Je mange ce midi au milieu de cinq jeunes filles et de leur tutrice. La plus jeune a 8 ans, la plus âgée en a 10. Le débat commence autour du thème de la pauvreté. "C´est quoi "être pauvre"?". Avec mon bagage d´études en économie, j´aurais pu me lancer dans un exposé explicatif. Plutôt, je décide de laisser le débat couler entre les jeunes. Je voulais savoir quelle pouvait être la définition de la pauvreté pour des jeunes péruviennes, vivant dans un centre pour enfants, au sein d´un bidonville, d´une ville pauvre, d´un pays en développement, d´un continent qui se cherche.

"Nous ne sommes pas des pauvres à la Aldea" lance la plus âgée. "Nous avons á manger.". Sa voisine renchérit et va plus loin "Regarde, ici, on ne termine pas toujours nos assiettes. Hors de la Aldea, il y a plein de gens qui ne mangent pas comme nous". Le débat continuera quelques minutes, mais qu´importe. J´ai la définition. Pour les petites de la Aldea, être pauvre c´est avoir faim et ne pas pourvoir manger. Ne pas être pauvre c´est manger à sa faim et même avoir la possibilité de ne pas finir son assiette.
Cette définition  a certaines qualités que de nombreuses définitions n´ont pas.
Par exemple, si vous demandez à un expert la définition de la pauvreté, il est fort a parier qu´il vous explique le seuil de pauvreté, accompagné de son mode de calcul, 60% du revenu médian par exemple. Mais, si je définis la pauvreté par un seuil de pauvreté, je définit le seuil, pas la pauvreté. En définissant le seuil, je définit autant ce qui se trouve en dessous du seuil, que ce qui se trouve au dessus. Je définit une frontière entre deux pays, sans connaître ces pays.

L´expert vous expliquera comment calculer le taux de pauvreté, en vous aidant de ce seuil de pauvreté. Vous obtenez alors un chiffre sur la proportion de pauvres dans le pays en question...sachant que vous n´avez toujours pas définit la pauvreté! Encore moins ses caratéristiques...

Évidemment, la définition des petite péruviennes est plein de limites. On ne sait pas ce qu´il y a dans l´assiette en question. On a une définition strictement nutritive de la pauvreté. Une définition sans monnaie. Une définition de petites péruviennes de 10 ans...

Les enfants d´ici vivent á coté des lignes de Nazca qu´ils n´ont jamais survolé. Ils vivent dans l´anonyma d´une ville dont le tourisme cache la réalité minière. Ces jeunes dont le Routard ne consacre pas un interligne. Le tourisme est un voile sur Nazca. Ce voile est éclairée par la lampe frontale du mineur. Mais comme souvent, il est plus facile de regarder l´objet lumineux que la source de lumière. 

Les enfants d´ici ne connaissent pas grand chose au tourisme. Pire, ils connaissent mal leur propre Histoire et l´héritage que la civilisation Nazca a laissé dans ce désert. L´enseignement au Pérou est trop axé sur les mathématiques et les sciences dures. Il n´y a aucun cours d´Histoire ni de Géographie en école primaire. Ainsi, un jeune péruvien lutte á connaître la capitale des voisins brésiliens et argentins. Hier, un jeune a même dit que la capitale du Pérou était Ica. Parfois, le Portugal est un pays d´Asie...

Dans le secondaire, le cours "Histoire Géographie Economie" existe. Il est basé sur des ouvrages allant du 1er grade (4eme) au 5em grade (Terminale), et sont intéressants. Je me les suis presque tous tappés á l´exception de celui de 3em grade. Le problème c´est que les étudiants ne les lisent pas...et que les professeurs n´enseignent que 10% du contenu de ces livres. Parfois, en aide au devoirs, je demande aux jeunes étudiants du secondaire de me faire une petite synthèse orale sur un des sujets. Ce sont leurs réponses qui me font avancées de chiffre de 10%. 

De manière évidente, le Ministère de l´Education du Pérou  s´est doté d´ouvrages de qualité, que les professeurs ne suivent pas vraiment. D´une autre manière, le Pérou est un pays dont l´Histoire est longue et riche, dont la Géographie est infiniment variée, dont l´Economie est dynamique et complexe et dont la Culture est multiple donc passionnante. Sur ces quatre points, très peu sont connus du bon élève qui va au bout de sa scolarité. Plus crûment, la seule racine sur laquelle peut se construire le jeune péruvien....c´ est la racine carrée. 

Je le dis, je l´écris et je le revendique; au niveau sociétal, il est beaucoup plus louable de connaître l´Histoire de l´Independance du Pérou, que de savoir mesurer le volume d´un dixième d´une demie sphère. Il est beaucoup plus difficile de trouver une inconnue de sa propre culture. Et je crains que "x" tende vers 0 de manière asymptotique. 

Nazca est une ville avec un fort héritage culturel, oú la culture est souvent bafouée. Au delà de l´aspect scolaire, je me suis rendu compte que les gens ne lisaient pas. La seule librairie qui existait pour les quelques 50 000 habitants á la ronde vient de fermer. Évidemment, on peut toujours trouver la Bible en ville. Pour les romans de Vargas Llosa et de Garcia Marques, on repassera. Quand j´écris que les gens ici ne lisent pas je suis arbitraire et ethnocentrique. Les gens lisent, mais des choses que je juge médiocres. Ce que lisent la plupart des gens ici ce sont les journaux. Mais á l´exception de 3 journaux (El Comercio, La Republica et Gestión), le reste possède une qualité d´information inférieure á NRJ12, et une qualité littéraire qui rappelle les longues tirades d´un participant de Secret Story. Dans ces journaux, vous trouvez plus de femmes en strings que de virgules. L´information traitée est basée sur le fait divers. Vous trouverez ainsi tous les détails sur la vie sexuelle des pseudo stars de la télé-réalité péruvienne. Vous trouverez quelques détails sur les évènements liés á la violence civile. Du sexe et de la violence, confondus dans un pâté illisible, que je juge, á la hauteur du caniveau.  Dans ces journaux, on ne compte pas les idées, ni les opinions...et n´attendez pas qu´elles divergent. Et comme disait Desproges: "dix verges c´est énorme". Voila de quoi les intéresser!

En une question-réponse, applicable ici, ainsi que dans plein d´autres endroits (France incluse): "What is the difference between literature and journalism? Journalism is unreadable, and literature is not read." ("La presse est illisible et la littérature n´est pas lue"). De quoi mesurer les progrès que nous avons fait, depuis que cette phrase fut écrite...Par Oscar Wilde. Pire que tout, il se pourrait que les blogs aussi, soient illisibles! 

 

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