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4 septembre 2013

Chapitre 11: Lima, acte II

Encore une histoire qui commence á la gare routière...En ce samedi-midi, me voila á la gare routière de Nazca, dans le but de rejoindre Lima. Cette fois-ci je ne voyagerai pas en première classe. Il me faudra couper mon voyage en deux: Nazca-Ica, puis Ica-Lima. 

"Le prochain bus pour Ica part dans une heure" me dit la femme de l´agence de bus. Convertit en espace temporel français, j ´ai deux heures d´attente. Un riz-poulet en bord de route, le journal Gestión lu de la première á la dernière page, et 30 minutes d´attente dans le bus devenu un sauna, avant de prendre la route désertique qui mène á Ica. 

Pendant que mes yeux s´emerveillent face á la verdure de la ville de Palpa au milieu de l´aridité, mes oreilles savourent un vieil album de Mc Solaar. Je suis le seul gringo dans ce bus, le touristes évitant les compagnies (trop) économiques. La logistique des bus péruviens est assez proche de se que j´avais vécu au Mali. On ne sait pas á quelle heure le bus arrive, ni á quelle heure il part, ni l´itinéraire, ni la capacité maximum de passagers, ni le prix exact du ticket. Mais tout se fait dans la bonne humeur.  

En arrivant á Ica, un fou-rire me prend. Je me remémore ma négociation pour faire Sikasso-Bamako. Trois possibilités: le bus climatisé, le bus ventilé, ou le bus low-cost. J´avais pris le bus ventilé avec impatience de voir la tronche des ventilateurs...Et le bus ventilé n´était ni plus ni moins qu´un bus low-cost qui roulait les portes ouvertes! 

Changement de gare routière á Ica, et me voila dans le bus direction Lima...le bus s´appelle VIP. En fait, le bus VIP, s´est un bus "direct", au sens où il ne prend personne d´autre sur son passage. Pour le reste, les bus économiques ont l´habitude de faire monter et descendre des passagers au bord de la route...ce qui explique les retards de plusieurs heures. Au Pérou, quand tu prends le bus VIP, tu ne voyages pas en première classe. Ni en dernière classe.

Il est 20heures, je j´arrive á Lima, dans cette capitale gigantesque dont l´organisation et anarchique malgré les rues parallèles et perpendiculaires qui tissent la ville. Il fait froid et humide. Au coin des rues, les chiens errants traînent en bande. En arrivant á la Plaza de Armas, j´appercois des policiers dans les quatre coins. Moustaches, gilets pare-balles, et surtout téléphones portables. Avachis sur leurs boucliers, chacun joue, ou traîne sur Facebook. Mark Zukerberg serait fiers de voir ça.
Des caricatures de flics ri-poux. Mais ils ont quand même l´air de s´ennuyer profondément...Je compatis un peu...et j´espere qu´il y a du monde sur facebook pour leur tenir la conversation. Au pire, ils conversent sur facebook...entre eux.

L´architecture est espagnole et les églises tissent la ville. Beaucoup de Limeños sont persuadés que Lima est la ville possédant le plus d´églises au monde. En bon non-religieux, je m´érisse comme un minaret: "Salvador possède plus d´églises que Lima, amigo" dis-je. Et me voila en train de défendre bec et ongle ma position, afin d´éviter de laisser mon adversaire prendre possession, tel les conflits de temples bouddhistes de la frontière thailo-cambodgienne. J´essaie d´organiser ma pensée, et je stresse devant mes lacunes, comme un jeune la veille de sa Bar Mitzvah. L´hebreu serait donc la seule langue dont le mot "bar" ne signifie pas la même chose? D´ou l´expression "C´est de l´hebreu"?  
Etre non-religieux en Amérique du Sud n´est pas un problème...être laïque l´est davantage.

Ici, les enfants ont un cours de "religion" á l´école privée...comme publique! Ce cours de religion traite presque exclusivement du christianisme...un peu comme un livre de football qui ne traiterait que du Réal Madrid. Je ne disserterai pas ici sur la religion, et j´aime beaucoup le Real Madrid. 

Dans le centre de Lima, je passe d´église en église.  
Je lève les yeux, pas vers le ciel, mais vers les voûtes magnifiques des églises et tente de me remémorer mon latin. Le latin est un langue morte. Mon latin est une langue oubliée. Il faut éteindre son portable, et son MP3, surtout que j´ai "Ni dieu, ni maître" de Léo Férré dans ma play-list. Le curé est éloquent. Il parle de la jeunesse, de la santé, ou encore du temps que l´on passe sur facebook. J´aime les religieux qui acceptent les mises á jour. L´Eglise 2.0. La religion presque sans l´injonction. Presque...

Le lendemain, me voila face au ministère des Affaires Étrangères du Pérou. Je passe de bureaux en bureaux pour déposer mon passeport, sur lequel j´espere recevoir un visa. Les bâtiments du Ministère sont nombreux, et je ne suis pas dans le bon. Les fonctionnaires d´Etat font preuve d´une incompétence assez remarquable...mais au moins ils sont drôles. Je trouve le bon interlocuteur et dépose, non sans crainte, mon passeport. Pendant deux jous, je sillonnerai Lima sans papiers.

Le bus est pourri. La rouille creuse les sièges. Chaque dos-d´ane (ou trou sur la route!) secoue le bus, et les sièges deviennent des vagues. Je me sens comme dans un vieux film latino-américain en noir et blanc, assis dans un bus, au milieu des embouteillages monstres de Lima. Dés que la route se libère, le bus fonce, a près de 100km/h...en pleine ville.

Le lendemain je parcours le quartier Miraflores. Lima a son quartier BCBG. Quartier beaucoup plus riche que le Centro ou Rimac, Miraflores montre ostensiblement son patrimoine. Immeubles récents, chaînes de restaurants et fast-food en étendard d´une mondialisation qui submerge la classe moyenne péruvienne. Il fait froid. Je rentre dans le Centro. J´achete un blouson en jean et je me pose dans un restaurant chinois pourri. En face, des vieux péruviens discutent de politique devant leurs soupes. La réforme agraire de 1969, la droite, la gauche, le Senderismo, la mondialisation, la corruption, la révolution cubaine, Chavez, Alliende, Lula et même Jean Paul Sartre. Ce dernier á une importance assez claire de certains mouvements de contestation sud-américains de la seconde moitié du 20em siecle. On le retrouve notamment dans les fondements du mouvement Tropicalismo au Brésil.

Le soir, je me retrouve quartier Santa Anita, dans une université. Je me pose á la cafétéria. Très vite, le gens me regardent. Je termine le dernier ouvrage de Mark Blyth sur le thème de l´austérité et j´attaque le dernier bouquin de Michel Aglietta sur le crise en Europe. Sa manière de s´attaquer á la theorie de Zones Monetaires Optimales en passant par l´economie politique internationale (EPI) me flatte, en bon étudiant de la fac d´éco de Grenoble, très (trop) axée EPI.
Un des étudiants vient discuter avec moi. Il fait des études d´economie. Il me pose des questions sur la crise de l´euro. Dans le timing! Je réponds á ses questions et tres vite ma table se remplit, trois, cinq, puis huit étudiants. On discute d´économie internationale, du développement en Afrique, des divergences de tissus productifs des économies est-asiatiques, ou du ralentissement dans les pays émergent. Je leurs donne mon opinion sur la baisse des cours des matières premières (baisse du rythme de croissance en Chine) et son impact sur les économies exportatrices de minerais comme le Pérou (voir Chapitre10). Je rajoute un élément que j´avais oublié, sur le rebalancement de la croissance chinoise de l´investissement (les chinois importent moins de minerais) vers la consommation. Je suis ainsi très proche de la thèse de OCampo, que vous pouvez lire ici

Je passe á la bibliothèque (minuscule) de l´université et je me pose dans une salle pour y lire le journal, en bon diplômé qui revient sur ses traces. Les étudiants parlent de TD, de partielles et de leurs prof. Ce petit retour dans le passé m´a fait du bien. Mais il faut rentrer, prendre un bus en état d´obsolescence pour retourner dans le Centro.

Le lendemain, j´irai chercher mon visa. Après une visite du musée du Banco Central, des catacombes de San Francisco, un lomo saltado et me voila de retour á la gare routière de Lima. Après une longue attente, je prendrai mon bus pour Ica au milieu de la nuit. A 4.30 je serai á Ica, en train de changer de gare routière avec une tête rappelant les films pleins de zombis. Puis dans un autre bus vers Nazca. A 6h, j´atteindrai Nazca, au levé du soleil, de retour á la gare routière. Au point de départ, mais avec plus de souvenirs. 

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